Julien Bouffier adapte le roman de Sorj Chalandon, Le 4ème mur, qui a reçu en 2013 le Goncourt des Lycéens. Récit imaginé de ses années de reporter de guerre dans le Beyrouth des années 80, à travers l’histoire d’une troupe de théâtre qui cherche à monter Antigone. Le spectacle créé à la Filature de Mulhouse en 2016 arrive au Paris Villette.
Dans le roman de Sorj Chalandon, le personnage central est un homme, il s’appelle Georges ; ici il est tenu par l’actrice Vanessa Liautey. Georges fait la promesse à un ami metteur en scène malade, de monter à sa place Antigone, dans la version de Jean Anouilh. Georges se bat pour convaincre des comédiens de différentes confessions de jouer la pièce, dans un Beyrouth en proie à la fragmentation entre sunnites, chiites, juifs et chrétiens. L’interprétation tout en fragilité de Vanessa Liautey apporte de l’humanité. Diamand Abou Abboud est beaucoup plus bouleversante encore dans le rôle de la comédienne qui joue Antigone – seule libanaise présente physiquement sur le plateau, les autres étant filmés.
Ces allers-retours entre le plateau et le Liban à travers la vidéo sont le point fort du spectacle de Julien Bouffier. Il maîtrise parfaitement l’image. Les vidéos sont projetées à la fois en fond de scène et en façade et condamnent les comédiennes à jouer dans un flot infernal d’images de guerre rougeoyantes. C’est saisissant. A Beyrouth, Julien Bouffier a travaillé avec des comédiens des collectifs Zoukak et Kahraba. Georges se rend dans différents lieux de la ville pour composer sa distribution. Lorsqu’il parvient à convaincre tout le monde, la troupe se réunit au sommet d’un immeuble pour commencer à répéter. Le théâtre ne parvient à effacer leurs différences, la réalité reprend le dessus, et les comédiens se battent. « La paix ne se fait pas avec le nez poudré d’un clown » dit un personnage dans l’une des séquences filmées.
Quel est l’utilité de l’art dans un pays en temps de guerre ? Le théâtre peut-il effacer les plaies et combler les lignes de démarcation ? Le spectacle effleure ces questions. Lorsque Georges rentre en France, bouleversé par ce qu’il vient de vivre, il doit réapprendre la réalité du monde occidental. Sa petite fille pleure parce qu’elle veut une glace alors que d’autres enfants dans le monde pensent tout simplement à sauver leur peau. Il est décomposé. Dommage que cette scène tire un peu en longueur, de part sa construction, avec la présence de la petite Nina, bondissante et impétueuse. On aurait préféré une voix off ou une vidéo, pour se focaliser sur le visage brisé de Georges.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le Quatrième Mur
Sorj Chalandon – Julien Bouffier
spectacle Diamand Abou Abboud, Nina Bouffier, Alex Jacob, Vanessa Liautey, Gabriel Yamine, vidéo Yara Bou Nassar, Joyce Abou Jaoude, Mhamad Hjeij, Elie Youssef, Joseph Zeitouny
adaptation, mise en scène Julien Bouffier, d’après le roman de Sorj Chalandon, Prix Goncourt des Lycéens 2013, scénographie Emmanuelle Debeusscher, Julien Bouffier, vidéo Laurent Rojol, Julien Bouffier, musique Alex Jacob, lumières Christophe Mazet, travail sur le corps Hélène Cathala, administration, production Nathalie Carcenac, diffusion Claire Fournié, photos © Marc Ginot, Julien Bouffier.
production Cie Adesso e sempre. coproduction Théâtre Jean Vilar, Vitry-sur-Seine ; EPIC du Domaine d’O, domaine départemental d’art et de culture, Montpellier ; La Filature, Scène nationale – Mulhouse ; Humain trop humain, CDN Montpellier. avec le soutien du Studio-Théâtre, Vitry-sur-Seine ; département Val-de-Marne.
Adesso e sempre est subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Languedoc-Roussillon, la Région Languedoc-Roussillon et la ville de Montpellier.
Durée: 1h30Théâtre Paris Villette
du 9 au 26 mai 2018
mar au jeu à 20h / ven à 19h / sam à 20h / dim à 16h
relâche samedi 12, lundis 14 et 21 mai
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