José Montalvo présente sa première création en tant que directeur de la Maison des Arts de Créteil, Carmen(s). Le « s » est très important dans cette chorégraphie qui rend hommage aux femmes, à celle de sa vie, sa grand-mère et sa mère.
Pourquoi avez-vous un s à Carmen(s) ?
Parce qu’il y a quelque chose de Carmen dans chacune de mes danseuses avec un désir profond de liberté et d’émancipation.
Comment avez-vous conçu le spectacle ? Est-ce qu’il suit le livret de l’opéra ?
Oui mais avec une plus grande liberté. La trame narrative est évoquée par deux danseurs (une femme et un homme). C’est un peu décalé et ludique, dans un esprit presque documentaire.
Ce personne de Carmen vous-a-t-il fasciné pendant votre jeunesse ?
Ma grand-mère qui m’a élevé s’appelait Carmen, elle était catalane, très engagée politiquement, résistante. Et ma mère était danseuse de flamenco amateure et son rôle préféré était Carmen, parce qu’elle représentait la femme émancipée qui porte en elle une vitalité et une force intérieure qu’elle a su me communiquer.
Comment vous êtes-vous approprié ce mythe ?
Chacun peut l’interpréter à sa manière, pour ma part j’ai suivi deux trajectoires, celle de l’émancipation féminine et celle de l’immigration. Je suis d’origine espagnole, certains membres de ma famille ont fui le franquisme. L’œuvre de Bizet m’a toujours touché parce qu’elle est savante et populaire. Il n’y a rien de plus français que Carmen, il n’y a rien de plus universel que Carmen. Bizet ne met jamais les pieds en Espagne. Il s’inspire des espagnols immigrés au 19ème siècle à Paris. Aujourd’hui alors que des murs se construisent aux frontières, je trouve que cette pièce, même si elle finit en tragédie, est lumineuse et solaire.
Certains metteurs en scène se posent des questions sur la fin, doit-on la réécrire ? Qu’en pensez-vous ?
Chaque metteur en scène est libre. Je pense que c’est un peu passé à côté de ce que nous raconte Carmen que de changer la fin. Dans la scène de fin, elle y va désarmée pour lui dire qu’elle ne l’aime plus et que chacun doit faire sa vie de son côté. Cette dimension tragique nous oblige à repenser le lien entre le désir que chacun peut avoir de l’autre et la liberté du corps de l’autre. Elle préfère mourir plutôt que de perdre sa liberté et c’est pour cela qu’elle devient un mythe de la liberté et que même les hommes peuvent s’identifier à cela. On a quelqu’un qui est solaire jusqu’à la fin au point de dire : je veux vivre libre ou mourir.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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