Joël Pommerat est devenu en quelques années l’un des metteurs les plus appréciés du théâtre subventionné français. Il remplit les salles. Il cumule les succès auprès du public et les récompenses auprès des professionnels. Pour cette rentrée 2013, trois de ses spectacles sont présentés à Paris. Deux à l’Odéon, ce sont des reprises de pièces créées au TNS en 2004 et 2006 : « Au Monde » et « Les Marchands » et une aux Bouffes du Nord : « La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce » créée en 2011 à Béthune. Joël Pommerat rêve que ses pièces ne s’arrêtent jamais d’être jouées. Plus de 20 ans après son premier spectacle au Théâtre de la main d’Or, il est aujourd’hui à la tête d’une petite entreprise. Dans un secteur qui parfois connaît la crise, sa compagnie ne cesse de jouer en France et à l’étranger. Le metteur en scène s’inscrit dans la grande tradition du théâtre de répertoire. Rencontre.
– Pourquoi ce désir de reprendre Au monde et les Marchands ?
La volonté ce serait que les spectacles ne s’arrêtent jamais. Comme on créé des spectacles chaque année, on dispose d’un répertoire qui augmente au fur et à mesure. Il y a des spectacles qui s’endorment en route. Ces deux là ce sont arrêtés, il y a deux ans pour « Les marchands » et il y a cinq ans pour « Au monde ». On les remet en vie.
– Avez-vous changé la mise en scène ?
Non elle n’a pas changé. C’est arrivé pour d’autres spectacles mais pas pour ceux là. On les a laissé « en vie ». Cette une gageure que cette chose du passé ait encore une nécessité aujourd’hui, un vrai souffle. Ce n’est pas juste une veille chose que l’on montre. Dans le présent on arrive à trouver des appuis pour que cela résonne et que cela vive comme si cela avait été fabriqué aujourd’hui.
– Les comédiens sont-t-ils les mêmes ?
Il y a trois nouveaux comédiens, les autres sont ceux des créations.
– Et les comédiens vous les voyez donc vieillir avec la pièce…
On vieillit tous, moi le premier. Mon regard évolue. Les imaginaires murissent. Une des comédiennes avec qui je travaille depuis longtemps, Saadia Bentaïeb, jouait dans « Au monde » une adolescente il y a dix ans avec déjà un décalage avec le rôle. Ce décalage s’est accentué aujourd’hui. Ca ne pose pas plus de problème qu’à la création. Sa maturité lui donne un imaginaire fort pour pouvoir travailler ce personnage. Elle est encore plus crédible aujourd’hui.
– Aujourd’hui il est de plus en plus difficile de trouver de l’argent. Est-ce que c’est un luxe de pouvoir continuer à créer et tourner vos spectacles ?
La justification et la nécessité d’une compagnie, c’est de jouer. Donc de jouer le plus longtemps possible ses créations ou ses produits si l’on utilise le langage de l’économie. On fait des efforts pour y arriver en travaillant avec une équipe qui est toujours la même ce qui permet une plus grande souplesse en terme d’organisation. Souvent les spectacles doivent s’arrêter parce que les équipes changent et s’éparpillent. J’ai pensé que la fidélité avec des collaborateurs que ce soient des comédiens, des techniciens, des administratifs était importante du point de vue humain. C’est aussi une stratégie de compagnie. On peut se mettre de jouer des spectacles sur des dates isolées, car les comédiens font partis de la compagnie et jouent sur d’autres spectacles.
– Est-ce que vous ressentez la crise qui traverse le spectacle vivant ?
Oui bien sûr. Nos ressources directes n’ont pas été affectées. Mais les ressources artistiques de nos partenaires, les théâtres avec lesquels on travaille se réduisent. Les spectacles ambitieux et lourds ont du mal à tourner. « La réunification des deux Corées » ou « Ma chambre froide » sont difficiles à tourner de part leur dispositif scénographique. C’est moins le cas avec les spectacles que l’on reprend à l’Odéon. C’est dommageable que l’on ne puisse plus tourner des projets artistiques plus ambitieux.
– On estime en France que près de 4000 spectacles sont créés par an. De plus en plus de compagnies émergent. Bonne chose ou mauvaise chose ?
J’entends cette inquiétude depuis mes débuts. Je pense que c’est plutôt un signe fort et positif qu’il y ait une compétition. Mais sur le plan économique cela va être de plus en plus difficile pour chacun. Est-ce qu’il faut que l’on s’élimine les uns les autres pour survivre ? Non. Il y a d’autres façons d’exister. Tout ne se réduit pas à la question économique non plus.
– Pour revenir à cette idée de répertoire, est-ce qu’il y a chez vous l’envie de permettre aux jeunes générations qui vous ont découvert il y a peu de rattraper leur retard ?
Je n’ai pas pensé à cela. C’est certain qu’il y a une fidélisation du public. On a été très présent dans les théâtres ces dix dernières années. J’ai eu besoin de produire. Du coup le public nous a identifié. Et depuis quatre, cinq ans, c’est vrai que les gens sont au rendez-vous. C’est une fierté et une responsabilité.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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