Jérôme Kircher et Patrick Pineau s’allient pour créer un spectacle simple et soigné à partir du « Monde d’hier » de Stefan Zweig. Une autobiographie qui entre en résonance avec les malheurs de l’Europe actuelle et notamment la montée des nationalismes.
« Le Monde d’hier » n’est pas seulement une autobiographie que Stefan Zweig a écrite en exil. En européen convaincu, l’écrivain esquisse par son témoignage le destin d’une génération entière. Une génération qui a connu la gloire et la chute, la paix et la guerre, l’espoir et les désillusions, en une idée : toutes les contradictions de l’Europe en création. La ville de Vienne où naît Zweig en est l’exemple phare. Au début du XXe siècle, la devise était « vivre et laisser vivre » et la culture occupait la première page des journaux, dans les années 30, il raconte cette même ville en train de devenir le berceau d’un antisémitisme crasse et haineux.
Cette oeuvre pessimiste est portée par un Jérôme Kircher rongé en profondeur par le constat qu’il dépeint. Tremblant, il est à la fois confus et gêné de parler de l’indicible. Après tout, qui peut croire cette horreur qu’il dépeint ? Le peu de sérieux donné à Hitler lors de son accession au pouvoir, le poison lent du nazisme qui enchaîne les mesures anodines mais ô combien symboliques : l’interdiction des bancs publics aux juifs, l’autodafé dont les auteurs « dégénérés » sont les victimes.
Ce spectacle d’idée, sobrement soutenu par une ambiance musicale légère et nostalgique, souligne l’enfer du nationalisme et l’importance d’être citoyen du monde. Ce « Monde d’hier » qu’il décrit n’est certes pas le monde d’aujourd’hui, mais comme toutes périodes sombres de l’humanité, l’histoire semble se répéter. S’il existe un théâtre pour tenter de ne pas commettre l’irréparable, « Le Monde d’hier » est de ceux-là. Il se contente de dire un état de l’humanité au bord du gouffre en fouillant dans les racines idéologiques. Les similitudes naîtront naturellement dans l’esprit du spectateur.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Le monde d’hier de Stefan Zweig
Adaptation : Laurent SEKSIK
Avec Jérôme KIRCHER
Adapté du texte original « Le Monde d’Hier »
Edition Les Belles Lettres – Traduction Jean-Paul ZIMMERMANN
Mise en scène : Patrick PINEAU et Jérôme KIRCHER
Scénographie et Lumières : Christian PINAUD
Collaboratrice à la mise en scène : Valérie NEGREDurée : 1h10
TNP Villeurbanne
9 – 13 octobre 2018
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