Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

Jean-Yves Ruf bourlingue en douceur avec Cendrars

A voir, Chalon-sur-Saône, Les critiques, Théâtre, Vire

Seul en scène, le comédien et metteur en scène Jean-Yves Ruf porte une nouvelle autobiographique de Blaise Cendrars, J’ai saigné. Délicatement, il met le mouvement perpétuel de Cendrars au ralenti. Le temps de revenir sur l’expérience de la guerre. Sur son traumatisme qui est aussi source d’un nouveau regard sur la vie.

C’est à pas feutrés, presque en catimini, que Jean-Yves Ruf entre sur une scène où les signes de l’abandon se mêlent à ceux du présent, de l’activité. Lorsqu’il se plante devant quelques meubles renversés, cassés, près aussi de chaises entières, bien debout sur leurs pieds, le comédien et metteur en scène s’inscrit dans l’espace ambigu qui lui est imparti. Vêtu d’un costume noir, dont on remarque que ne sort qu’un bras sur les deux, il semble appartenir autant à aujourd’hui qu’au passé. Les premiers mots qu’il prononce, « Champagne, 1915 », ont beau faire référence à une période révolue, ils nous sont adressés de telle manière que le présent du plateau se superpose pour nous parfaitement au moment de la Première Guerre Mondiale dont est bientôt question. L’actuel ne disparaît pas derrière le passé, il en fait ressortir toutes les violences. Il en souligne tous les questionnements.

Le comédien d’aujourd’hui a beau incarner l’écrivain dont il porte les mots, Blaise Cendrars (1897-1961), il ne s’éclipse pas tout à fait. À travers le texte un texte peu connu, J’ai saigné, il cohabite avec lui. Tout en nous ramenant « au lendemain de la grande offensive ratée, quarante-huit heures après l’amputation » de l’auteur qu’il affirme lire depuis l’adolescence, Jean-Yves Ruf dit quelque chose de lui-même, de son aventure théâtrale. À sa manière discrète, humble de porter la nouvelle de Cendrars, il exprime sa recherche plus encore que ses trouvailles. En décidant de n’utiliser que le minimum d’éléments qui séparent le jeu de la lecture, il met en scène sa rencontre avec une écriture qui est seulement l’une des très nombreuses manières dont s’est exprimé Blaise Cendrars tout au long de son riche parcours littéraire. Le face à face met en pause le « mouvement perpétuel » de Cendrars, le temps de nous arrêter sur l’une de ses recherches.

J’ai saigné, on l’aura compris, relève de la veine autobiographique de Blaise Cendrars, qui a bourlingué dans l’écriture autant que dans le monde, en développant à la fois une œuvre poétique et romanesque, en s’illustrant aussi du côté de l’essai. Publiée en 1938 dans le recueil La vie dangereuse, première partie de mémoires dont le second volume s’intitule La Main coupée (1948), la nouvelle choisie par Jean-Yves Ruf est pour son auteur un moyen de revenir sur une expérience vécue pendant la guerre : son amputation suite à une blessure causée par un éclat d’obus, sur le front de Champagne où il se bat comme engagé volontaire de la Légion étrangère, et surtout sa convalescence dans un hospice religieux de Châlons-sur-Marne (maintenant Châlons-en-Champagne). Peu importe que la dimension autobiographique des œuvres de Cendrars présentées comme telles soit souvent contestée : la leçon de vie et de mort qui s’y déploie avec un langage à la fois brut et ciselé, délicat, nous parvient entièrement.

En s’emparant de J’ai saigné avec un calme que l’on ne prend guère longtemps pour du détachement, Jean-Yves Ruf prolonge le geste d’écriture de l’auteur, riche des 23 ans écoulés depuis les faits racontés. En témoignant par sa grande retenue de sa lecture fine et du respect qu’il voue au texte de Cendrars, le comédien et metteur en scène met aussi en avant le recul de l’auteur au moment où il décrit son séjour à Châlons-sur-Marne, dominé par la figure magnifique, généreuse, de l’infirmière-major de l’hôpital, Madame Adrienne. Assisté à la mise en scène par Jean-Christophe Cochard, auprès de qui il avait joué le même rôle dans le solo Figure Péguy (2016), Jean-Yves Ruf met ainsi sinon en pause, du moins au ralenti le mouvement perpétuel vers laquelle tendait l’auteur-bourlingueur. Sans atténuer ainsi l’horreur, les souffrances physiques et morales des patients décrites par l’auteur, sans faire non plus de celui-ci un héros lorsqu’il passe son temps à tenter d’améliorer le moral des troupes décimées, la pièce invite ainsi le spectateur à aller vers Cendrars, à voyager vers lui pour continuer de mettre en mouvement une pensée et une poésie qui n’ont cessé de se déplacer du vivant de leur auteur.

Anaïs Heluin

J’ai saigné

Texte Blaise Cendrars
Mise en scène Jean-Christophe Cochard et Jean-Yves Ruf
Scénographie Aurélie Thomas
Création lumière Christian Dubet
Régie lumière Arno Seghiri

Avec Jean-Yves Ruf

Production Chat Borgne Théâtre
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Coproduction Le Préau – Centre Dramatique National de Normandie-Vire et Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages

Le Chat Borgne Théâtre est une compagnie conventionnée par la DRAC et la Région GRAND EST.

Durée : 1h20

Les Plateaux Sauvages – Paris

Du 29 novembre au 11 décembre 2021

Maison des arts du Léman-Thonon – Thonons-les-Bains

Les 1er et 2 mars 2022

2 décembre 2021/par Anaïs Heluin
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Philippe PacheIl va où le blanc de la neige quand elle fond ? de Jean-Yves Ruf
L’homme à tiroirs de Jean-Yves Ruf
Jean-Yves Ruf met en scène Don Giovanni de Mozart, sous la direction de Julien Chauvin
Thibault Lacroix dans Vie et mort de rien de Jean-Yves Ruf d’après Beckett
Jean-Yves Ruf met en scène Les fils prodigues de Joseph Conrad
Jean-Yves Ruf met en scène La Finta Pazza de Scarlatti sous la direction musicale de Leonardo García Alarcón
Médée de Cherubini par Jean-Yves Ruf
La programmation estivale du Théâtre du Peuple de Bussang dévoile sa programmation 2019
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut