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Jean-Christophe Folly, antihéros haletant et captivant au cœur de la nuit koltésienne

À la une, Bussang, Colmar, Coup de coeur, Ivry, Les critiques, Maubeuge, Paris, Reims, Théâtre
Jean-Louis Fernandez

Jean-Christophe Folly dans La nuit juste avant les forêts de Koltès photo Jean-Louis Fernandez

Dans La Nuit juste avant les forêts que met en scène Matthieu Cruciani à la Comédie de Colmar, le comédien Jean-Christophe Folly dit avec une magnifique vitalité l’expérience de l’exclusion, de la solitude, de la marginalité, autant de thèmes chers au théâtre de Bernard-Marie Koltès.

En 1977, avant les grandes pièces telles que Combat de nègre et de chiens ou Roberto Zucco, avant le faste des années Chéreau au Théâtre des Amandiers et ailleurs, Koltès écrit La Nuit juste avant les forêts qui annonce déjà un univers, une langue, un style où tout dit avec force l’impossible échange entre les êtres. La pièce fait entendre une parole fleuve, frénétique, écrite en une seule et longue phrase sinueuse qui s’étend sur une soixantaine de pages dans le texte publié aux Éditions de minuit. À travers la voix d’un anonyme ordinaire, elle s’échappe d’une seule traite, en seul souffle. Impossible à contenir.

Foisonnante en mots mais aussi en pensées énoncées avec une apparente simplicité qui n’amoindrit en rien la densité, la profondeur de son propos d’une troublante contemporanéité, la pièce met en scène un homme, étranger à la ville (ce « bordel » dit-il), étranger à ses habitants (« les cons d’en bas », « les salauds de français »…). Mal habillé, pas intégré, seul, ivre, dégingandé, il vocifère avec une arrogance presque drôle sa haine des gens et revendique son inaptitude au monde. Dans l’interstice béant qui existe entre lui, si rétif et sauvage, et la société, le personnage est paradoxalement traversé par le besoin de l’Autre. Au point qu’il apostrophe un inconnu, rencontré par hasard au coin de la rue, peut-être un loulou, un loubard, venu du « quartier des putes » qu’il évoque à plusieurs reprises non sans humour et tendresse. Il lui demande du feu, puis une chambre pour la nuit ou même qu’une seule partie de la nuit. Il voudrait lui payer un café ou une bière mais il n’a pas ou plus d’argent sur lui. Sa demande inféconde ne trouve aucune réponse mais l’appel persiste et rend compte d’un rapport au monde qui désarçonne autant qu’il libère.

Sur scène, une imposante architecture urbaine en béton rappelle celle des zones périphériques, des parkings souterrains, des ponts aériens, une sorte d’enclave désaffectée, ouverte aux vents glaciaux et à la pluie qui s’abat comme un leitmotiv pour intensifier le malaise et la laideur. La pénombre laisse présager l’imminence d’un danger comme d’un impénétrable mystère. C’est la nuit. « L’heure où d’ordinaire l’homme et l’animal se jettent sauvagement l’un sur l’autre » écrira Koltès plus tard dans une autre pièce, Dans la solitude des champs de cotons. Il fait froid. Et pourtant l’homme s’est dévêtu de ses couches de vêtements successives comme s’il étouffait dans cet environnement hostile. Terré dans l’abjection du crépuscule, des flaques d’eau et de la boue, il paraît pour autant toujours en extraire une beauté, une grâce, insondables.

Jean-Christophe Folly aborde le soliloque avec une remarquable aisance, une force vive et drue, une exaltation fonceuse et fiévreuse, un engagement total. Son jeu fait montre d’une solidité, d’une virilité et d’une intranquillité qui traduit l’urgence, la nécessité de dire. « Je veux gueuler et pouvoir gueuler, même si on doit me tirer dessus » clame-t-il. Les mots se déversent comme la pluie. Et face à l’adversité, la parole s’incarne physiquement, organiquement, et à travers elle la crise existentielle et sociale d’une époque qui n’en finit pas de violenter, de fragiliser l’humain. C’est tout cela qui transpire du verbe et du corps de l’acteur. Et s’il se révèle être un acteur koltésien évident, c’est qu’il est aussi soutenu par la hauteur de vue et la sensibilité de la mise en scène que signe Matthieu Cruciani, et par l’éloquence de tout l’univers visuel et sonore qui l’accompagne.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS
De Bernard-Marie Koltès
Mise en scène Matthieu Cruciani
Assistante à la mise en scène Maëlle Dequiedt
Scénographie Nicolas Marie
Création musicale Carla Pallone
Costumes Marie La Rocca
Création lumières Kelig Le Bars
Avec Jean-Christophe Folly
Production Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace
Coproduction Le Manège – Scène nationale de Maubeuge
La Comédie – Centre dramatique national de Reims
Durée estimée 1h15

Création à la Comédie de Colmar du 5 au 15 octobre 2021

Tournée 21-22
22 & 23.10.21 : Théâtre du Peuple, Bussang (88)
08 – 20.11.21 : Les Plateaux sauvages, Paris (75)
30.11 – 03.12.021 : Comédie de Reims – CDN (51)
05 – 07.01.22 : Comédie de Caen – CDN de Normandie (14)
10.03.22 : Le Manège – Scène nationale de Maubeuge (59)
22 – 26.03.22 : Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne (94)
03.05.22 : Scènes du Jura – Scène nationale (39)

11 octobre 2021/par Christophe Candoni
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