Pour la réouverture du Théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes a offert à l’auteur maison, Pierre Notte, la grande salle Renaud-Barrault pour créer sa nouvelle comédie musicale Je te pardonne (Harvey Weinstein), un procès imaginaire sous forme de cabaret féministe totalement débridé.
Pierre Notte et son équipe évaluent « le succès de la démocratisation culturelle » en ouverture du spectacle, avec un petit sondage à la volée, à main levée. « Qui s’est vacciné ? Première dose ? Deuxième dose ? ». « Qui a pu voir la reprise de La Ménagerie de Verre à l’Odéon ? ». Le public, clairsemé, distancié, se prête volontiers à ce petit exercice de remise en jambes théâtrale, avant de plonger dans le grand bain de cette comédie musicale qui débute comme une tragédie.
Pierre Notte remonte jusqu’aux grandes figures de la mythologie grecque comme Hélène de Troie pour raconter en chansons plus de 2000 ans de l’Histoire des femmes. Il convoque à la barre les prédateurs sexuels, de Harvey Weinstein à Roman Polanski, en passant par Gabriel Matzneff. Ils font face à leurs victimes, celles qui ont osé les dénoncer, de Nafissatou Diallo à Vanessa Springora. Les grandes voix féministes sont invitées au procès, de Christiane Taubira à Elisabeth Badinter. « J’aime bien les comédies musicales quand elles vont à l’opposé, explique Pierre Notte. L’idée était de faire le portrait de ce monstre fabuleux, et de tous les types de son espèce. Et de voir comment il réagirait si, tout à coup, il devenait une femme. » Le producteur américain va se réincarner en Catherine Deneuve. Pierre Notte introduit dans son spectacle cette icône qui lui a valu l’un des ses plus gros succès, en 2006, avec Moi aussi, je suis Catherine Deneuve, Molière du Théâtre privé. Mais il n’épargne pas la comédienne. « On la griffe au passage car elle s’est prononcée sur la liberté d’être importunée. »
Pierre Notte parvient à expliquer avec humour comment le mouvement #MeToo a fait bouger les lignes dans la société, comment il fait évoluer les mentalités. Sous le vernis des chansons, il pointe les violences faites aux femmes depuis des siècles, des féminicides à l’excision, dans une écriture engagée et féministe qui fait mouche à chaque instant. « Une femme qu’on insulte, c’est une pute. Un homme qu’on insulte, c’est un fils de pute. C’est toujours la femme qui trinque. » Imparable pour Pierre Notte qui souhaite rappeler que « les femmes sont en permanence agressées. »
Les comédiennes et chanteuses, Pauline Chagne et Marie Notte, autour du pianiste Clément Walker-Viry, mènent ce procès à 100 à l’heure, tandis que Pierre Notte endosse le rôle difficile d’Harvey Weinstein. « Le cabaret permet de tout faire, assure-t-il. On passe du tragique au grotesque à la poésie. » Et au moment du verdict, c’est au public de décider du sort du producteur américain.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Je te pardonne (Harvey Weinstein)
Texte, musique et mise en scène : Pierre Notte
Avec : Pauline Chagne, Marie Notte, Pierre Notte, Clément Walker-Viry
Costumes : Alain Blanchot
Arrangements musiques : Clément Walker-Viry
Création lumières : Antonio de Carvalho
Son : Adrien Hollocou
Assistanat à la mise en scène : Jeanne DidotProduction Théâtre du Rond-Point, Compagnie Les gens qui tombent, YDB Productions
Coproduction et création en avril / mai 2021 au Théâtre du Pont Tournant – Bordeaux, au Théâtre de la Roële, Villers-Lès-Nancy, avec le concours des deux Îles, résidence d’artistes – Montbazon, Coréalisation Théâtre du Rond-Point, avec le soutien de « L’Atelier en mouvement ».Durée : 1h25
Théâtre du Rond-Point, Paris
du 1er au 17 juin 2021 à 19h, puis du 18 au 26 juin à 21h
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