Avec Je m’en vais mais l’Etat demeure, le jeune metteur en scène et sa troupe du Royal Velours retracent, par la bande, les premières années du quinquennat Macron, et font se répondre, avec leur regard caustique, la grande histoire politique et les petites chroniques intimes.
Pour Hugues Duchêne, tout a commencé par une discussion avec Jean-Michel Ribes. Alors en formation à l’Académie de la Comédie-Française, comme ses camarades de la troupe du Royal Velours, le metteur en scène cherche à le convaincre de programmer son premier spectacle, Le Roi sur sa couleur, consacré aux liens entre art et pouvoir – à la suite du non renouvellement d’Olivier Py à la tête de l’Odéon. Et le directeur du Théâtre du Rond-Point de lui répondre : « Bon si on prend votre pièce, ce ne sera pas avant 2017/2018. Et comme l’histoire se passe en 2011, ça commencera à faire loin […] et donc j’aimerai plutôt vous entendre sur ce que vous allez faire après. » Après ? Hugues Duchêne a une idée. Histoire de ne plus se voir reprocher de ne pas coller à l’actualité, il écrira une pièce en six parties, comme autant d’années, pour rendre compte de l’ensemble du quinquennat d’Emmanuel Macron et de l’évolution politique du pays.
Commencée en septembre 2016, l’aventure, en écriture et réécriture permanentes, en est déjà à mi-parcours et se décline en trois temps : 2016-2017, L’année électorale ; 2017-2018, L’année judiciaire ; 2018-2019, L’année parlementaire. Dans la première partie – la seule que nous ayons pu voir à La Scala Paris où l’ensemble est repris après son succès au Festival Off d’Avignon l’an passé – on pouvait s’attendre à une parenthèse sur l’affaire Fillon et à une séquence consacrée à l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Au contraire, dans un savant mélange de grande histoire politique et de petites chroniques intimes, de théâtre documentaire et de fiction du quotidien, Hugues Duchêne a plutôt choisi de picorer çà et là, de raconter les événements par la bande. Il convoque bien sûr les personnalités, de François Hollande à Bernard Cazeneuve, de Nicolas Sarkozy à Natacha Bouchart, mais adopte, surtout, son propre point de vue, à la fois satirique et malicieux.
De là, émerge un ensemble qui, malgré sa composition hétéroclite, trouve une réelle cohérence. Avec une bonne dose d’humour, il singe les grands renoncements – celui de François Hollande sur fonds de zones désertiques américaines – et les petits agissements – ceux des supporters d’Emmanuel Macron qui, à force de hurler, en viennent à couvrir sa voix -, décortique la communication politique et les mutations du corps électoral. Les moindres détails, toujours piquants, prouvent la finesse de son analyse qu’il parvient à traduire scéniquement grâce un jeu plus au cordeau que les apparences ne le laissent à penser.
Sur un plateau quasi nu, avec un écran vidéo, une batterie, un synthétiseur et quelques chaises pour seuls éléments de décor, les comédiens, aux rôles aussi éphémères que multiples, rebondissent sur le fourmillement d’idées. Ils suggèrent plus qu’ils n’incarnent les personnalités, raillant, sans les caricaturer, leurs tics, comportements ou manies, tout en n’oubliant pas de se moquer d’eux-mêmes. Le tout prenait le risque d’être anecdotique, de sentir le réchauffé, il est, a contrario, intellectuellement enlevé, et plus réflexif, drôle et concernant qu’une simple chronique sur la grandeur et de la décadence du pouvoir. Affaire à suivre.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Je m’en vais mais l’Etat demeure
Ecriture, conception et mise en scène Hugues Duchêne
Avec Pénélope Avril, Vanessa Bile-Aubouard, Théo Comby-Lemaître, Hugues Duchêne, Marianna Granci, Laurent Robert, Gabriel Tur
Collaboration à la mise en scène Gabriel Tur
Vidéo et collaboration artistique Pierre Martin
Costumes Sophie Grosjean et Julie Camus
Assistante à la mise en scène Anne-Laure ThumerelProduction Le Royal Velours
Coproduction Le Phénix – Scène nationale Pôle européen de création dans le cadre du Campus partagé Amiens – Valenciennes, La Comédie de Béthune – Centre dramatique national, la Maison de la Culture d’Amiens, Les 3T – Scène conventionnée de Châtellerault et Le Grand Cerf Bleu.
Le Royal Velours est soutenu par le réseau Puissance Quatre La Loge – Tu-Nantes – Théâtre Sorano – Théâtre Olympia – Centre dramatique de Tours, avec l’aide de la Région Hauts-de-France et de la DRAC Hauts-de-France.
L’année parlementaire 2018-2019 est coproduite par Le Théâtre de Vanves – Scène conventionnée, L’année 2019-2020 est coproduite par La Rose des Vents – Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq, l’Equinoxe – Scène nationale de Châteauroux, le Théâtre d’Herblay, le Théâtre au Fil de l’Eau à Pantin, le Théâtre de Thouars – Scène conventionnée, le Théâtre de la Renaissance – Scène conventionnée / Oullins, La Mégisserie – Scène conventionnée / Saint-Junien, avec le soutien du dispositif d’insertion de l’École du Nord soutenu par la Région Hauts-de-France et la DRAC Hauts-de-France, du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, la DRAC et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Accueil en résidence de La Loge, du CENTQUATRE-PARIS, de la Péniche Opéra – POP, de Mains d’œuvres, de la Comédie-Française, du Carreau du Temple, du Théâtre Paris-Villette et de La Scala Paris.Durée : 1h par partie, 3h30 avec entractes en intégrale
Théâtre 13
du 7 au 26 juin 2022
Du mardi au vendredi à 20h, les samedis et dimanches à 15h
1h10 par épisode, intégrale: 8h avec entracte
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