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La Grammaire des mammifères : la matière préférée de l’Ensemble artistique du T°

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Christophe Raynaud de Lage

photo Christophe Raynaud de Lage

Mis en scène par le directeur du lieu Jacques Vincey, les huit comédien.nes de l’ensemble artistique du Théâtre Olympia – Centre Dramatique National de Tours s’emparent de Grammaire des mammifères de William Pellier. Tous excellents, ils mettent en lumière une écriture riche et singulière que l’on s’étonne de si peu connaître.

Bien qu’écrivant pour le théâtre depuis 1984, et publié depuis 2004 aux Éditions Espace 34, William Pellier est un auteur que l’on ne cesse de découvrir. La première raison est que la douzaine de textes théâtraux qu’il a écrits ont très peu été montées. Dans sa préface de Grammaire des mammifères (2005), la dernière pièce publiée de William Pellier, un certain Michel Cornavin – à ne pas confondre avec l’universitaire Michel Corvin, spécialiste du théâtre du XXème siècle dont les nécrologies (il nous a quittés en 2015) nous apprennent qu’il était également agrégé de grammaire – évoque une mise en scène de Thierry Bordereau présentée en 2011 au Théâtre de la Manufacture, lors du Festival off d’Avignon. Il y en aura peu d’autres. Sans doute en partie pour la raison évoquée par le mystérieux préfacier : à la lecture, Grammaire des mammifères paraît « bégayer, piétiner à force de répétitions ». Il peut sembler écrit dans « une langue confuse, agaçante de coquetterie, un formalisme gratuit et abscons ».

Conçue pour les comédiens, de telle sorte qu’ils puissent « inventer la vie sur scène » – c’est cette fois l’auteur lui-même qui s’exprime, dans la postface de son livre –, c’est sur scène que se révèle véritablement l’écriture de William Pellier. À condition de trouver comment la dompter : les mammifères qui la peuplent ne sont pas domestiqués. Ou alors ils l’ont été il y a trop longtemps pour que cela soit encore visible à l’œil de l’observateur extérieur, du spectateur. Jacques Vincey, qui découvre l’auteur pendant une audition du Jeune Théâtre en Région Centre-Val de Loire (JTRC) – dispositif d’insertion professionnel unique en France, créé en 2005 à l’initiative conjointe de l’État, de la Région et du Théâtre Olympia – Centre Dramatique National de Tours ou « T° » pour les intimes –, se mesure à l’animal théâtral avec les huit jeunes comédiens de son ensemble artistique, composé pour l’essentiel des artistes du JTRC. Subtile approche.

Nommons ces artistes avant que leurs identités ne soient emportées dans la Grammaire bien perturbée de William Pellier : Alexandra Blajovici, Garance Degos, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain Gy, Hugo Kuchel, Tamara Lipszyc et Nans Mérieux. Eux-mêmes se présentent d’ailleurs à nous dès le hall du théâtre dans une sorte de profession de foi envers l’auteur, que l’on apprend être « né le 19 mai 1963 à Ambilly / fils de John Pellier son père et de Danielle Pellier née Bernaz sa mère ». Le responsable de ces lignes chercherait-il à nous faire rattraper notre retard concernant son cas, il ne s’y prendrait pas plus mal : après quelques déclamations limpides, l’introduction devient bazar, cacophonie. Au diapason des répliques, les corps se heurtent, s’empêchent les uns les autres d’aller jusqu’au bout de la direction qu’ils semblaient sur le point d’emprunter.

C’est dès lors clair, s’il est le roi de la Grammaire des mammifères, l’acteur l’est indépendamment de tout personnage. Il l’est même en quelque sorte « contre » cette entité qui a la peau dure, malgré toutes les atteintes qui lui ont été et lui sont encore portées, et dont s’amuse William Pellier en mêlant ces souvenirs de coups et blessures à des références tout autres, issues souvent d’autres disciplines. « Borges ou Borges ou Borges je ne sais pas comment vous le dite il n’y a rien à dire » déboule par exemple on ne sait comment en milieu d’un bavardage qui n’a pour autre thème que l’absence de sujets à partager entre humains du XXIème siècle. Plus tard, dans une sorte de mini-vaudeville, un certain William compare les mots d’un Docteur avec ceux de Yasmina Reza, ce à quoi une certaine Ana réplique – pas de malentendu, c’est là le seul endroit de la pièce où les répliques sont associées à des prénoms – : « Ou du Philippe Delerm Avez-vous lu (Gorgée) x 2 La petite gorgée de minufcule La gorgée Vous savez minufcule Gorgée de minufcule ». La Grammaire des mammifères n’est pas de celles qu’on enseigne aux enfants : plutôt que de structurer la pensée, elle en fait jaillir les failles, elle y déniche les incohérences.

Pour donner formes à ce matériau qui ne cesse d’échapper en empruntant sans cesse des voies différentes, Jacques Vincey a fait appel à la « complicité » de deux autres artistes : le dramaturge et chanteuse baroque Vanasay Khaphommala, qu’il connaît bien pour avoir beaucoup travaillé avec lui, et le danseur et chorégraphe Thomas Lebrun. Leur intervention est sensible à la manière dont les registres d’expression se succèdent, et souvent se superposent dans la pièce. On passe ainsi facilement d’une scène où les comédiens vêtus de costumes herbus évoquent la possibilité d’une sorte d’orgie – jamais réalisée – dans une porcherie, à une étrange leçon d’anatomie appliquée à un « protagoniste » dont les nombreuses apparitions semblent vouloir nous rappeler ce que fut un jour le théâtre et ce qu’il ne peut plus être. Sans nous dire ce qu’il peut devenir.

Sans doute cette Grammaire, qui ne contient que la moitié environ du texte intégral, aurait-elle pu être plus aventureuse encore. Elle adopte régulièrement des formes connues – une émission télé, un groupe de parole, une comédie familiale… –, qui ont tendance à limiter les possibles offerts par le texte, dont l’auteur dit : « il faut imaginer qu’au-delà du bavardage des dizaines d’événements s’entremêlent : rencontres, complots, alliances, flirts, repas, expériences, jeux, comme si les comédiens jouaient sur deux tableaux dissociés, mais qui se reflètent l’un dans l’autre : l’un fait de ce qu’ils disent, l’autre de ce qu’ils font. Enfin un rôle muet, égaré au centre de ce bavardage, n’est pas à exclure ». Les huit comédiens nous donnent toutefois la folle mesure du texte qu’ils servent. Et suscitent l’envie d’en poursuivre l’exploration.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

La Grammaire des mammifères

Texte William Pellier (Editions Espaces 34)

Mise en scène Jacques Vincey

En complicité avec Vanasay Khamphommala, dramaturge et chanteuse et Thomas Lebrun, chorégraphe

Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy

Assistanat scénographie Léonard Adrien Bougault

Lumières Diane Guérin

Son Alexandre Meyer

Costumes Céline Perrigon

Vidéo Blanche Adilon-Lonardoni et Maël Fusillier

Avec Alexandra Blajovici, Garance Degos, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain Gy, Hugo Kuchel, Tamara Lipszyc, Nans Mérieux

Production Centre dramatique national de Tours – Théâtre Olympia
Coproduction Centre chorégraphique national de Tours avec la participation du dispositif Jeune Théâtre en Région Centre-Val de Loire

Durée : 2h15

Le Monfort
du 8 au 18 mars 2023 à 20h30

9 mars 2023/par Anaïs Heluin
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