Pretty Yende a chanté Lucia di Lammermoor sur toutes les scènes du monde. A l’Opéra Bastille, elle a été Rosina dans Il Barbiere di Siviglia en février 2016. La soprano sud-africaine est de retour à Paris, à Garnier où elle endosse pour la première fois le rôle de Violetta dans La Traviata de Verdi, sous la direction musicale de Michele Mariotti et dans une mise en scène de Simon Stone. Elle incarne une Violetta du 21e siècle, une jeune femme libre, égérie de mode, accro aux réseaux sociaux. Pour la première représentation publique, l’avant-première réservée aux moins de 28 ans, la salle s’est levée pour une standing ovation dès les premières secondes des saluts. Rencontre avec Pretty Yende dans sa loge, quelques minutes après cette acclamation inattendue pour la soprano.
Un public debout, une standing ovation pour cette première représentation en public de La Traviata. Etes-vous surprise ?
C’est une surprise car c’était une répétition et c’était la première fois que je chantais le rôle devant un public. J’étais nerveuse car je ne pensais pas pouvoir contrôler mes émotions. Quand vous avez devant vous un tel public comme aujourd’hui qui partage votre humanité, qui vous embrasse, qui vous ovationne: c’est merveilleux ! C’est une grande surprise. Je ne m’y attendais pas.
C’est un rôle difficile à chanter ?
C’est le rôle le plus difficile à aborder pour une chanteuse. La voix est vraiment l’un des instruments les plus complexes. Lorsque vous avez des personnages comme Violetta qui nécessitent plus que la voix, la technique et la compréhension de l’arc vocal, vous travaillez plus que d’habitude. Vous apprenez en marchant. Nous les chanteurs nous éloignons nos émotions tout en donnant de la vie aux personnages. Il est toujours difficile de trouver cet équilibre. Et comme La Traviata est début pour moi, c’est encore plus difficile, mais j’ai eu beaucoup de soutien de la part de l’équipe et du chef Michele Mariotti. Tout comme Simon Stone qui m’a vraiment aidé à surpasser mon état émotionnel.
Comment vous sentez-vous dans ce rôle ?
Je suis reconnaissant en Stéphane Lissner de me donner l’occasion de jouer un tel rôle dans ce magnifique opéra. C’est une histoire humaine énorme. J’avance prudemment car la performance en direct est toujours remplie d’obstacles. Je suis heureuse d’avoir chanté à de nombreuses reprises Lucia di Lammermoor, ce qui m’aide à aborder ma première Violetta.
Donc cette production arrive au bon moment ?
C’est le bon moment pour faire quelque chose de difficile, et quand vous avez un public comme celui-ci, qui réagit de la sorte dès le premier essai, cela vous encourage. Parce que c’est un processus continu qui ne finit jamais. L’opéra est un long chemin et avec ce personnage en particulier, vous devez trouver l’équilibre entre les demandes vocales et les demandes dramatiques dont le rôle a besoin.
Etes-vous à l’aise avec la vision moderne de Simon Stone ?
Je suis toujours très inquiète avec les productions modernes, je me demande souvent ce que le metteur en scène va nous faire ! J’ai très vite été rassurée car sa vision du personnage est si brillante que je me sentie très à l’aise. C’est notre monde. C’est la vraie vie. Je suis très reconnaissant d’être mise en scène par Simon Stone pour cette première Traviata. Il ne nous a pas imposé sa vision des personnages. Dans son processus créatif, je ne me suis jamais sentie contrainte. J’ai pu apporter aussi ma propre vision de Violetta alors que d’habitude vous vous nourrissez uniquement de la vision du metteur en scène. Avec lui, je me suis sentie en sécurité, il n’a jamais fait de reproches négatifs, de critiques parce que je cherchais.
Dans votre imagination, Violetta était-elle un personnage glamour ?
Je pense qu’elle était l’une des femmes les plus élégantes de son temps, bien éduquée; elle savait ce qu’elle voulait et elle a décidé de sa vie à une époque où il était impossible à d’autres femmes de faire de même. J’aime le fait qu’elle utilise la fraîcheur même s’il lui reste peu de temps à vivre.
Comme la Violetta de cette production, vous utilisez beaucoup les réseaux sociaux, y-a-t-il un peu de Violetta en vous ?
Pas tout à fait ! Mon histoire n’est pas aussi compliquée qu’elle. Je peux très bien comprendre le sens de l’attention qu’elle reçoit parce qu’elle est une personnalité publique. Je peux comprendre le genre de mode de vie auquel elle a été exposée lors de fêtes. Mais je n’ai pas eu une éducation aussi compliquée. J’ai une famille merveilleuse à la maison. Je connais mon père et ma mère. J’ai des frères et sœurs. Je rêve d’un avenir plus long qu’elle. Mon cœur s’est parfois brisé, j’ai déjà eu des déceptions amoureuses, mais pas au point de prendre les décisions qu’elle a prises !
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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