Créé à l’automne 2019 à La Rochelle, Contes et Légendes, le dernier spectacle de Joël Pommerat est à l’affiche des Bouffes du Nord et va tourner toute la saison 2020/2021. Cinq ans après le succès de Ça ira (1), il revient au théâtre par le biais de l’adolescence et nous confie les clés de sa nouvelle création. Interview réalisée en janvier à Nanterre.
Plusieurs années se sont écoulées entre Ça ira (1) et Contes et légendes, pourquoi ce temps aussi long ?
Je n’avais plus envie de pratiquer le théâtre comme j’avais pu le faire auparavant avec Ça ira (1). Pendant plusieurs années je me suis demandé ce qui allait me motiver et me donner du plaisir. J’avais envie de représenter des enfants sur scène, ce qui au théâtre n’est pas si simple. Soit on travaille avec vrais enfants et c’est très compliqué par rapport à leur disponibilité, ils grandissent vite et au bout de deux ans de tournée, ils ne sont plus dans l’enfance. Soit on travaille avec des adultes et on peut tomber dans un sorte de formalisme, et ce n’était pas ce que je voulais. Je souhaitais vraiment matérialiser de façon hyper concrète la dimension physique et corporelle de l’enfance. C’est cette étincelle de départ qui a été le moteur pour retourner sur un plateau de théâtre même si ce que l’on veut dire apparaît seulement à mi-chemin.
Comment vous-êtes vous glissez dans les mots de l’adolescence ?
On a plusieurs solutions par rapport à cela. Soit on essaye de reproduire et de se rapprocher au plus près du langage. Soit on réinvente un langage plus poétique. J’ai opté pour la première option en cherchant le réalisme et à m’ancrer dans le temps. Ce n’est pas simple de capter le langage de l’adolescence car il se développe dans l’intimité et les adultes n’y ont pas accès.
La thématique du genre est traversée par le spectacle, et c’est à l’adolescence que l’on se pose beaucoup de question.
La gestion du genre a percé notre société. Elle fait débat. La séparation du monde entre deux catégories femmes et hommes est formulée de façon directe et franche aux enfants. Les injonctions sociales démarrent dès l’enfance. Les choses se verbalisent, il y a un combat pour en être ou pas, pour se distinguer, pour se ressembler, pour se différencier et c’est une lutte intérieure et une lutte avec les autres.
A partir de quel moment le rapport au virtuel et au robot est intervenu ?
En cours de route. Ce n’était pas le projet initial. En prolongement de ce travail sur l’interprétation de ces adultes interprétant des enfants pour devenir « crédibles » et « sincère »s, on est allés chercher la vérité du côté du faux, de cette présence artificielle. Comment incarner théâtralement de manière juste le faux. C’était comme une métaphysique de la présence théâtrale, comme le font les collègues qui travaillent sur la marionnette, c’est exaltant. J’ai eu besoin tout simplement de revenir à des fondamentaux de théâtre avant tout création d’un texte, d’un sujet, d’une histoire et de travailler sur la présence.
Propos recueillis par Stéphane Capron – www.sceneweb.fr – interview réalisée lors de l’exploitation du spectacle en janvier 2020 à Nanterre.
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