Le 23 mai, la Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (MC93) rouvre ses portes après trois années de travaux. Ce bâtiment élevé par le célèbre duo d’architectes Fabre et Perrotet a ouvert en 1980 sur une surface de 6 000 m² et il atteint aujourd’hui, au fil des restauration, les 11 000 m². Ces nouveaux travaux dirigés par l’architecte Vincent Brossy – lui-même admirateur de Fabre et Perrotet – ont été pensés en premier lieu pour la sécurité des personnes, pour l’accessibilité au public handicapé et pour refaire l’isolation thermique des lieux. Ils réservent aussi bien d’autres nouveautés… Hortense Archambault, directrice de l’établissement depuis août 2015 revient sur ce chantier colossal de 18 millions d’euros, « toutes dépenses confondues ».
En 2015, lors de votre arrivée à la tête de la MC93 Bobigny, le bâtiment est déjà en travaux. Celui-ci va rouvrir ses portes au mois de mai prochain. Qu’est-ce qui aura changé ?
Le projet de rénovation de Vincent Brossy est aussi une restructuration architecturale. Le déclanchement des travaux vient d’un problème clair : des difficultés techniques et des problèmes de sécurité devaient être réglés ! Mais de là, l’architecte est parti pour faire un geste consistant à reprendre le bâtiment tel qu’il était, avec ses extensions successives, et en faire quelque chose de cohérent tout en gardant l’esprit du lieu. Un peu à l’image du projet que je veux mener à bien à la direction de la MC93. Les artistes qui ont visité le bâtiment et qui ont travaillé à l’ancienne MC93 sont à la fois émus, parce qu’ils retrouvent quelque chose du caractère de la M,C et en même temps ils voient quelque chose d’une transformation. Très concrètement, la grande salle Oleg Efremov, a été transformée principalement sur le plan technique. Le spectateur ne va donc pas s’en rendre, l’âme de cette salle a donc été gardée. Il y a un très grand plateau, une cage de scène qui est parmi les plus importantes d’Île-de-France et 800 places pour le public en configuration gradins.
Alors quelles sont les nouveautés qui seront visibles pour le public ?
La plus importante est la Nouvelle Salle – qui ne porte pas encore de nom. Elle ouvrira en septembre 2017 avec une création de Marie-Christine Soma réunissant, entre autres, Dominique Reymond, Mélodie Richard et Pierre-François Garel. Une salle qui n’existait pas et qui a été élevée sur le toit de la salle Efremov. C’est donc une extension vers le haut. Ce nouvel équipement va remplacer la salle Christian Bourgois qui manquait de hauteur sous plafond. En termes de technique, cette nouvelle salle permet donc davantage d’amplitude. La jauge sera de 200 à 230 places avec une configuration très polyvalente. La salle Bourgois sera de temps en temps programmée, mais la plupart du temps elle servira de lieu de répétition, le vrai lieu de répétition qui manquait à la MC93.
Il y a aura aussi des changements du côté des espaces d’accueil.
Le hall est l’une des petites choses sur lesquelles j’ai pu intervenir puisque lorsque je suis arrivée à la MC93, le programme architectural était déjà choisi. Mais j’ai demandé à l’architecte de réfléchir à la transformation du hall pour en faire un « lieu de tous les possibles » qui correspond, là aussi, au projet que je veux mener à la MC93 qui est celui de dire qu’un théâtre doit être un outil pour montrer les spectacles les plus merveilleux possible, mais peut-être que cela ne suffit pas. Un lieu comme la MC doit remplir de hautes fonctions dans une ville comme Bobigny.
Comment cela s’illustre dans le hall ?
Le hall est considérablement agrandi et joue de la transparence sur la ville. Dès le mois de septembre, le hall sera ouvert les après-midis de la semaine aux personnes qui en auront besoin. Par exemple, des jeunes nous ont dit qu’ils auraient besoin d’un endroit pour répéter, on peut donc imaginer les choses pour eux comme cela se fait déjà au 104. L’aménagement même de l’espace a été pensé en associant les futurs usagers. Un groupe de spectateurs et de non-spectateurs de la MC a été créé pour en définir le cahier des charges, et c’est le designer Johan Brunel qui a créé le mobilier.
Qu’est-ce qui est ressorti de ces réunions avec les usagers ?
Tout le monde était d’accord qu’il y aurait des usages très différents de cet espace nouveau et qu’il fallait faire confiance aux gens, car le théâtre est l’un des rares endroits où des gens très différents peuvent se côtoyer. Donc le mobilier sera justement très « mobile » et il pourra être utilisé de différentes façons. L’expérience nous dira s’il faut ajouter ou retirer des éléments, comme cela a pu se faire au 104 avec les paravents ou les miroirs.
Le restaurant sera ouvert tous les midis où le café sera à 1€., comme on l’illustre par ailleurs avec le [« pass illimité »].
Cette invitation accompagne une politique d’ouverture accrue de la MC93 sur la ville ?
En effet ! Le restaurant de la MC sera ouvert tous les midis, avec le café à 1€. Cette ouverture accompagne des initiatives déjà en place comme le « pass illimité » qui permet à des spectateurs de venir voir tous les spectacles de la saison pour 10€ par mois. Car la question financière peut être parfois un frein à la fréquentation de nos lieux. On a vendu un nombre important de pass, notamment en tarif réduit (7€). Grâce à celui-ci, on s’est rendu compte que sur cette saison – qui s’est déroulée hors les murs dans toute la Seine-Saint-Denis – les gens allaient voir beaucoup de choses. Ce qui était un de nos enjeux. Une grande partie des adhérents à ce pass sont de nouveaux spectateurs. On en a vendu 210 cette année.
Nouvelle architecture, plus d’ouverture sur des publics nouveaux. Vous désignez aussi ce nouveau lieu comme lieu d’accueil d’une « fabrique d’expérience ». Qu’en est-il ?
Le hall sera l’un des espaces de cette « fabrique d’expérience » qui est un projet en gestation depuis plusieurs mois maintenant. Cette réflexion vise à donner à l’art une expression très concrète dans la société. Cette fabrique est ouverte à tous les projets : de ceux qui veulent accueillir des habitants de Bobigny et plus largement de Seine-Saint-Denis pour créer des rencontres, faire autre chose qu’une création au sens où on l’entend habituellement dans un lieu comme la MC93 mais en associant néanmoins des artistes en résidence sur le long terme avec des citadins. Au final, cela pourra produire une œuvre, mais aussi beaucoup de temps pour des rendez-vous, des moments de partage, que l’on ne peut pas qualifier, mais qui seront autant d’expériences pour ceux qui y participeront. Tout est possible.
Allez-vous continuer à faire des spectacles « hors les murs » dès lors même que la MC93 sera rouverte ?
Seulement des lectures car c’est un format qui s’y prête et qui peut se balader plus facilement et puis on veut continuer à créer de la relation entre des textes contemporains et des lieux particuliers. Il y aura donc de nouveaux sites avec de nouveaux textes. Jusque-là, nous avons été dans des lieux patrimoniaux comme la Bourse du Travail ou la gare de déportation, mais aussi des lieux associatifs à Noisy ou dans des cafés, des parcs et des bibliothèques. Pour le reste des créations, on va se reconcentrer sur l’intérieur des murs.
Que va-t-il se passer justement à l’intérieur des murs la saison prochaine ? Quelle orientation artistique allez-vous suivre ?
Mon orientation reste vouloir représenter des artistes qui parlent d’aujourd’hui. De fait, il y aura beaucoup d’auteurs contemporains programmés. Notamment deux aventures qui sont pour moi très belles, symbolique de ce que j’ai envie de faire. Ce sont des artistes qui passent commande à un auteur contemporain. La première, c’est Patrick Pineau qui a demandé à Mohamed Rouabhi un texte qui s’appelle « Jamais seul ». Une galerie de 45 personnages des milieux populaires, très poétique. Ce sera l’une des grosses productions de la saison prochaine, cela se jouera en novembre à la MC avec une quinzaine d’acteurs. Autre production d’une commande d’un texte par un artiste, c’est Frederic Fisbach, acteur et metteur en scène, qui a demandé un monologue à Dieudonné Niangouna, « Et Dieu ne pesait pas lourd ». Il sera créé à la MC93 en janvier 2018. Dans ces deux exemples, l’important c’est la rencontre artistique, de faire cohabiter deux univers différents. Il sera donc beaucoup question de cela la saison prochaine.
Qui d’autre va accompagner cette volonté ?
Roméo Castellucci avec « De la démocratie en Amérique » d’après Alexis de Tocqueville, dans le cadre du Festival d’Automne. Anatoli Vassiliev fera également une création, ainsi que Guy Cassiers. Nous aurons également un spectacle de Kornél Mundruzczo, Imitation of Life, un artiste hongrois qui n’est jamais venu à Paris et dont le dernier film est sélectionné à Cannes. Nous aurons aussi de la danse avec le Pacific Melting de Régine Chopinot et une partie du portrait Jérôme Bel du Festival d’Automne. Nous aurons aussi quelques découvertes, parmi lesquelles Marine De Missolz, Leyla-Claire Rabih. On espère ainsi que le public va retrouver le chemin de la MC93 après ces trois ans de fermeture…
Photos et propos recueillis par Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !