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« Israel & Mohamed », surface de réparation filiale

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Israel & Mohamed de Mohamed El Khatib et Israel Galván au Festival d'Avignon 2025
Israel & Mohamed de Mohamed El Khatib et Israel Galván au Festival d'Avignon 2025

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Entre pied de nez à la loi des pères et célébration de l’amitié, Israel & Mohamed est un pas de deux aussi complice qu’impertinent qui règle ses comptes avec l’enfance et l’éducation. Et réunit théâtre et danse grâce à deux personnalités scéniques puissantes, Mohamed El Khatib et Israel Galván. Foot et flamenco irriguent cette création très attendue, qui a fait sa première au Festival d’Avignon, parmi les chauves-souris du Cloître des Carmes.

Ils ne sont pas frères, mais ils viennent nous parler de leurs pères. Le projet pourrait sembler anecdotique et anodin, si ce n’est le contexte dans lequel il s’est fomenté. Homme de théâtre, Mohamed El Khatib a consacré une grande part de son œuvre à sa mère. Ou plutôt, sa mère y tient une place de choix en ce qu’elle est le sujet de Finir en beauté, spectacle qui aborde son décès et qui a propulsé l’artiste dans les radars de la scène française. Depuis, et récemment, le metteur en scène, qui imagine également des films documentaires et des installations contemporaines, lui a dédié un Grand Palais au pied de la lettre, puisque c’est au sein même du monument national parisien que s’est tenue la rétrospective qui lui rend hommage et retrace un pan du parcours artistique et des obsessions du fils.

Or, contrairement à Finir en beauté, mais dans la lignée d’autres spectacles, comme Boule à neige ou Conversation avec Alain Cavalier, et comme son titre l’indique, Mohamed El Khatib n’est pas seul dans Israel & Mohamed. Au plateau, ils sont deux, et c’est avec une bête de scène qu’il la partage, un danseur de flamenco hors norme : Israel Galván. L’un danse, l’autre parle, mais le motif qui les réunit est commun : leurs pères, figures du patriarche autoritaire et imposant, d’une autre époque et d’une autre culture, contre lesquelles les deux artistes se sont construits. Pas d’hommage béat ici, on s’en doutait, mais plutôt un spectacle qui règle ses comptes avec l’éducation, l’enfance, la loi des pères, les racines, la religion et le silence. Et l’on imagine aisément la malice des deux complices dans le choix de réunir leurs deux prénoms évocateurs et connotés pour en faire un titre aussi simple qu’oxymorique.

Cette malice irrigue un spectacle cousu d’une amitié palpable, qui laisse la place à chacun d’exister dans ce qu’il sait faire de mieux. L’adresse directe au public pour Mohamed El Khatib et sa capacité à raconter les petits riens révélateurs, les anecdotes qui disent beaucoup, et l’audace de son rapport à l’intime, le témoignage public comme geste politique. S’ajoute à la sincérité de sa plume, un humour toujours vert, prêt à dégainer dès que l’émotion pointe, comme pour mieux mettre à distance la confidence. En face, Israel Galván, présence physique démente, danse. En babouches ou crampons, bottines à talons, son flamenco est comme toujours une déflagration. Corps parcouru de soubresauts, jeu de jambes hallucinant, mouvements de torsion du torse, bras tenus et visage réceptacle d’une énergie démentielle, le danseur fait de la scène une percussion géante. Sous ses pieds tremble le sol autant que la tradition. Car là est le nœud. Israel et Mohamed ont en commun l’insoumission autant que la transgression. Ils ont fait fi des projections de leurs pères respectifs, ils ont balayé d’un coup de pied bien senti leurs attentes pour suivre leur voie propre. Libres, parce que rebelles.

Sur scène, de part et d’autre de deux écrans carrés, deux tables-autels avec photo-portrait du paternel et trophée triomphant au-dessus. Petit à petit, au fur et à mesure des souvenirs et des legs exposés, elles se remplissent pour construire un paysage miniature, celui de ce qui se transmet dans les faits et de ce qui se transmet malgré soi. L’héritage conscient et inconscient. Les anecdotes liées aux objets apportés sont aussi croustillantes qu’émouvantes, car elles touchent souvent à la violence. Maria Montessori n’est pas arrivée jusqu’au bled ni en Andalousie. Et lorsque les pères s’expriment par le biais d’entretiens filmés, leurs prises de parole confirme les aveux des fils. Et si leurs prénoms renvoient à un conflit déchirant le Moyen-Orient, si leurs espaces sont clairement séparés, à l’image de ces deux chaises, portant chacune le prénom de l’un et de l’autre, comme pour être sûr de ne pas les confondre, ce qui saute aux yeux, c’est leur gémellité. Oranges, prénoms tracés au scotch jaune, tournées dos au public et face aux pères virtuels, elles seront déplacées au gré de la représentation. La ligne centrale franchie, les deux espaces deviennent poreux. Mohamed traduira Israel, parlera pour lui qui est bègue ; Israel dansera dans la djellaba de Mohamed ou les pieds dans les babouches de son père ; et les deux regarderont droit dans les yeux le public pour exprimer ce qu’ils n’ont jamais dit à leurs paternels. Ce qui se tisse alors, c’est la ressemblance qui les unit, le rejet des pères insatisfaits de leurs choix de vie, la place de la religion et de la tradition, et leur chemin de transgression indispensable à leur émancipation.

Le foot s’invite dans la partie, il ouvre le bal et revient en pointillés tout du long, aussi fédérateur qu’objet de dissension. L’ensemble est drôle et piquant, provocateur et irrévérencieux. Les deux font la paire et le pari de dire vrai. Comme Kafka l’a fait avant lui, Mohamed El Khatib nous partage sa lettre au père dans un temps suspendu d’une intensité émotionnelle aussi retenue qu’elle affleure. Car le spectacle n’omet pas la douleur, il s’en accommode et s’en amuse. On passe du rire aux larmes en une punchline ou un claquement de talon. Et lorsqu’Israel Galván danse face au regard de son père, c’est comme un monologue qui passe par le corps et l’expressivité de sa danse, une affirmation de soi qui se passe de mots et de justification. Quant au final, hors de question de le dévoiler, mais il mélange burlesque et panache avec une insolence joueuse, et clôt ce pas de deux scénique en beauté. Et l’on se dit que l’on a beau grandir et mûrir et vieillir, s’arracher aux racines et s’extraire de nos héritages, quelque chose de l’enfance indélébile perdure et s’accroche. Il n’y a qu’à voir ces deux sales gosses magnifiques pour ne pas en douter.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Israel et Mohamed
Conception Mohamed El Khatib, Israel Galván
Avec Mohamed El Khatib, Israel Galván
Scénographie Fred Hocké
Vidéo Zacharie Dutertre, Emmanuel Manzano
Son Pedro León
Costumes Micol Notarianni
Direction technique Fred Hocké, Pedro León
Construction Pierre Paillès, Géraldine Bessac

Production IGalván Company, Zirlib
Coproduction Festival d’Avignon, Festival d’Automne à Paris, RomaEuropa Festival, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre de la Ville de Paris, Mixt Terrain d’arts en Loire-Atlantique (Nantes), TNB Théâtre national de Bretagne (Rennes), TnBA Théâtre national Bordeaux Aquitaine, Le Volcan Scène nationale du Havre, Tandem Scène nationale Arras-Douai, Théâtre Garonne (Toulouse), MC2 Maison de la culture de Grenoble Scène nationale, Scène nationale de l’Essonne (Evry), Teatro della Pergola (Florence), La Halle aux Grains Scène nationale de Blois
Avec le soutien du Ministère de la Culture Drac Centre-Val de Loire, Région Centre-Val de Loire, INAEM – Ministerio de Cultura (Madrid), et pour la 79e édition : Ambassade d’Espagne en France
Avec l’aide de l’Usine, Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Tournefeuille / Toulouse Métropole).

Durée : 1h25

Festival d’Avignon, Cloître des Carmes
du 10 au 23 juillet 2025, à 22h

La Halle aux Grains, Scène nationale de Blois, dans le cadre du festival Les Rendez-vous de l’histoire
le 7 octobre

Festival RomaEuropa (Italie)
les 11 et 12 novembre

Théâtre National Wallonie-Bruxelles (Belgique)
du 26 au 30 novembre

Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 10 au 20 décembre

Scène nationale de l’Essonne, Évry-Courcouronnes
les 8 et 9 janvier 2026

Le Volcan, Scène nationale du Havre
les 30 et 31 janvier

TANDEM, Scène nationale Arras-Douai
les 3 et 4 février

Théâtre National de Bretagne, Rennes
du 10 au 14 février

Comédie de Genève (Suisse)
du 25 au 28 février

Mixt, Nantes
les 23 et 24 mai

11 juillet 2025/par Marie Plantin
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