Elle est de passage pour une seule représentation. Isabelle Huppert va lire des textes de Sade tirés de « Justine ou les malheurs de la vertu » et « L’histoire de Juliette ou les prospérités du vice ». Un dialogue entre ces deux femmes construit par le philosophe Raphaël Enthoven. Retour sur les rares apparitions d’Isabelle Huppert à Avignon.
- Vous êtes présente pour une seule représentation de « Juliette et Justine, le vice et la vertu », une lecture de textes de Sade réunis par Raphaël Enthoven. Connaissiez-vous l’œuvre de Sade ?
Pas très bien, je dois le dire. Je me suis plongée dans ces ouvrages. On ne peut pas dire que je connaisse très bien son œuvre. Mais j’ai un immense plaisir à faire cette lecture.
- J’imagine que Raphaël Enthoven vous a donné énormément d’éclaircissements
Il ne m’en a pas donné tellement et je crois que c’est l’intérêt de cette lecture car le simple fait de l’écouter vous fait comprendre beaucoup de choses. Il y a en parallèle les deux points de vue, le bien et le mal. La manière dont il a organisé le montage est explicite.
- Qui sont Juliette et Justine ?
L’une est joyeusement perverse et l’autre est mélancoliquement bonne et douce. L’une subit tous les affronts du mal tout en continuant à espérer dans la bonté de la nature humaine et l’autre a compris que l’homme était irrémédiablement mauvais et qu’il vaut mieux affronter le mal plutôt que le subir.
- C’est donc un dialogue entre l’une et l’autre ?
C’est une alternance. Je suis tantôt l’une, tantôt l’autre. Les textes sont philosophiques et théoriques lorsque Juliette parle. Pour Justine ils sont plus narratifs, ils tendent vers le récit picaresque. On la suit dans ses périples. Elle est parfois candide et pleine d’espoir. Elle ne se rend pas compte du mal au devant duquel elle va. Mais elle ne perd jamais espoir dans la beauté de la nature humaine.
- La Cour d’honneur est une scène particulière, impressionnante, surtout lorsque l’on est seule ?
Ce n’est pas un lieu qui me fait peur. Il vaut mieux en saisir ce qu’elle a d’extraordinaire et d’exceptionnelle. C’est quand même un lieu qui a été pensé par Jean Vilar pour l’amour du théâtre et des acteurs et je ne l’ai jamais ressenti comme un lieu hostile.
- On vous a finalement assez peu vu dans la Cour, la seule fois c’était en 2000 pour Médée dans la mise en scène de Jacques Lassale. Et on garde cette image de vous plongeant la tête dans l’eau au début du spectacle.
Il faisait tellement froid le soir de la première. C’est aussi un des attraits de la Cour, c’est la soumission aux intempéries. Il peut y faire très chaud et très froid. Il peut y avoir du vent et c’est la voix qui est mise à mal. S’il avait fait très très chaud on aurait été soulagé de me voir plonger la tête dans ce plan d’eau. Mais là le vent était hostile et coupant et cela redoublait l’effet dramatique.
- Et puis on vous a vu récemment en 2013 dans le spectacle de Jérôme Bel, « Cour d’honneur » mais vous étiez en direct par skype depuis l’Australie où vous jouiez « Les bonnes » avec Kate Blanchett.
J’ai un souvenir extrêmement différent des spectateurs. J’étais à des milliers de kilomètres. Il était 6 ou 7 heures du matin pour moi. J’étais dans le salon d’une petite maison à Sydney. C’était drôle car au moment où je commençais à parler je savais bien qu’il y a avait 2000 personnes. C’était étrange.
- Et puis Avignon et vous ce sont aussi ces portraits de la photographe Roni Horn qui sont exposés à la Fondation Lambert dans le cadre de l’exposition consacrée à Patrice Chéreau.
C’est des portraits que Patrice aimait. Roni Horn souhaitait avoir une multitude d’expressions différentes car elle fait un travail sur la répétition. Elle aime bien décliner un même visage sous plusieurs angles. Elle m’a proposé le matin pendant plusieurs jours de choisir un film et de retrouver l’expression qui définissait chaque rôle. Cela pouvait paraître un peu abstrait mais cela ne l’était pas. Les noms des films étaient dans un chapeau et je tirais un papier au hasard et elle me demandait pendant 2 ou 3 heures de retrouver l’expression. Et en fait pour chaque film il y a une expression principale qui le définit.
- Et ce sont des photos sans fard à l’opposé de l’image d’une actrice
Peut-être aussi d’une façon erronée. Car l’image d’une actrice dans un film est plus brute que l’image publique de l’actrice. Mais dans un film on se montre sous son aspect le plus vrai et le plus nu.
- Une envie, un désir, revenir au Festival dans une pièce ?
Des envies oui, mais je ne veux pas les dire. J’espère en tout cas revenir très vite. J’aimerai beaucoup.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Texte réunis par Raphaël Enthoven
Avec Isabelle Hupert
Production Les Visiteurs du SoirFestival d’Avignon 2015
Cour d’honneur
Le 9 juillet
22h
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