Après Isabelle Adjani, une autre icône du théâtre monte sur scène, Isabelle Huppert dans Mary said what she said. Elle retrouve pour la troisième fois le metteur en scène américain Bob Wilson, après Orlando et Quartett. Elle incarne Mary Stuart, dans un monologue fougueux écrit par Darryl Pinckney.
Isabelle Huppert a déjà rencontré Mary Stuart sur sa route. C’était dans la pièce de Schiller au Royal National Theatre de Londres en 1996. Ici, elle est seule en scène sur le plateau du studio Cardin délimité au sol par deux néons. Dans l’obscurité, la comédienne déroule le texte de Darryl Pinckney (traduit par Fabrice Scott). A tout vitesse. A la mitraillette. Sa voix est pratiquement couverte par les notes de la musique de Ludovico Enaudi. Le premier quart d’heure est un tourbillon enivrant, assourdissant, un peu éprouvant tant il est difficile de saisir le sens du texte. Mais les images de Bob Wilson opèrent et transportent le personnage de Mary Stuart dans l’au-delà.
De petits rires de folie viennent briser la fracas des mots. Isabelle Huppert se fige, la bouche grande ouverte, le visage éclairé de jaune. Elle passe de l’ombre à la lumière, en majesté, en se prenant parfois les pieds dans un texte d’une densité inouïe, perdant le fil, se rattrapant aux phrases répétées en boucle, pour repartir frontalement dans cette histoire déclinée en trois parties. De l’adolescence de Mary Stuart en France à son retour en Ecosse et ses emprisonnements, en passant la guerre de religion entre les catholiques et les protestants, et sa détestation de Catherine de Médicis.
Bob Wilson ne ménage pas Isabelle Huppert, qui peut de temps en temps reprendre son souffle (un tiers du monologue est enregistré). Il l’enferme dans une cage en verre disparaissant dans la brume de sa geôle, il la transforme en pantin arpentant le plateau d’arrière en avant, de cour à jardin. Isabelle Huppert joue la poupée désarticulée, sans sourciller, avec classe. Car Bob Wilson peut tout lui demander. “Il n’y a pas de star comme elle aux USA » expliquait le metteur en scène texan en juin lors de la préparation du spectacle. « Elle a cette capacité à penser de manière abstraite. Si je travaillais avec actrices comme Meryl Streep ce sera impossible de les faire travailler de cette manière. Avec Isabelle, on a pas besoin de beaucoup se parler.”
Le spectacle lors de la première était encore fragile. Isabelle Huppert doit encore prendre ses marques dans cette scénographie travaillée au millimètre, même si la magie est moins au rendez-vous qu’il y a 25 ans lors de la création d‘Orlando.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Mary said what she said
TEXTE DARRYL PINCKNEY MISE EN SCÈNE, DÉCORS & LUMIÈRES ROBERT WILSON MUSIQUE LUDOVICO EINAUDI COSTUMES JACQUES REYNAUD METTEUR EN SCÈNE ASSOCIÉ CHARLES CHEMIN COLLABORATION À LA SCÉNOGRAPHIE ANNICK LAVALLÉE-BENNY COLLABORATION AUX LUMIÈRES XAVIER BARON COLLABORATION À LA CRÉATION DES COSTUMES PASCALE PAUME DESIGN SONORE NICK SAGAR DESIGN MAQUILLAGE SYLVIE CAILLER TRADUCTION DE L’ANGLAIS FABRICE SCOTTAVEC ISABELLE HUPPERT
PRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris. COPRODUCTION Wiener Festwochen – Teatro della Toscana, Florence – Internationaal Theater Amsterdam – Thalia Theater Hamburg. EN ASSOCIATION AVEC EdM Productions – Elisabetta di Mambro.
Durée: 1h30Espace Cardin du Théâtre de la Ville
Du 13 avril au 14 mai 2023
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