Parfois on en croise un dans la rue et subitement on le voit. On le voit parce qu’il est arrêté avec une attention particulière, au milieu des passants pressés, il regarde. Concentré, immobile, silencieux, il regarde pendant des heures, le travail des grutiers, des manœuvres qui s’agitent, casques sur la tête. Puis il s’éloigne à petits pas, il est vieux, il a mal à la jambe, on se demande où il va…
Parfois on en voit un autre dans un café. Il est seul. Il a une consommation devant lui mais il ne boit pas. Son corps, son allure, sa façon de se tenir très droit, d’être endimanché, raconte une histoire qu’on aimerait bien entendre. Mais il ne parle pas. Visiblement il n’attend personne. Aucune femme ne le rejoint, aucun camarade pour jouer aux dominos, aux cartes, ou boire un coup avec lui.
Qui sont-ils ? Des travailleurs immigrés, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, qui ont vieilli ici, en France. Ils sont restés seuls, pour des raisons diverses. Ils ne sont pas rentrés au pays. La France est devenue leur pays, ils y ont apporté leurs rêves, mais ils sont devenus des fantômes. Ils ont asphalté les routes, construit les HLM, sorti des quantités de pièces détachées des chaînes et des machines-outils. Ils n’ont pas ménagé leur peine, ils ont bien contribué à ces « trente glorieuses », ces années de reconstruction accélérée de l’économie.
Mais dans l’inconscient collectif ces travailleurs étrangers sont immortels, parce que continuellement interchangeables. Ils ne sont pas nés, ils ne sont pas élevés, ils ne vieillissent pas, ils ne se fatiguent pas, ils ne rêvent pas, ils ne meurent pas, ils ont une fonction unique : TRAVAILLER. Extrait de la note d’intention de Nasser Djemaï
Invisibles
texte et mise en scène Nasser Djemaï
dramaturgie Natacha Diet
assistante à la mise en scène Clotilde Sandri
avec David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine
Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti, Lounès Tazaïrt
et la participation de Chantal Mutel
musique Frédéric Minière, Alexandre Meyer
scénographie Michel Gueldry
création lumière Renaud Lagier
création vidéo Quentin Descourtis
costumes Marion Mercier
régie générale, régie son François Dupont
régie lumière Pascal Pellissier
régie vidéo Quentin Descourtis
stagiaire costumes Olivia Ledoux
maquillage Sylvie Giudicelli
Coproduction MC2 Grenoble, Maison de la Culture de Bourges, Le Granit-scène nationale de Belfort, Repères – groupe de création artistique, Théâtre Liberté Toulon,
Théâtre Vidy–Lausanne, Domaine d’Ô (domaine départemental d’art et de culture, Hérault).
Production déléguée MC2: Grenoble. Recueil de la parole en collaboration avec l’association Fraternité – Teissere et le Foyer ADOMA (Grenoble). Accueil en résidence d’écriture Le Sémaphore à Cébazat. Avec le soutien du Centquatre. La Cie Repères est subventionnée par La DRAC Rhône-Alpes la Région Rhône Alpes, le Conseil Général de l’Isère et la Ville de Grenoble.
Invisibles, la tragédie des chibanis est publié aux Éditions Actes Sud-Papiers.
Avec l’aide à la création du Centre national du théâtre et du dispositif SACD et SYNDEAC en 2011
DUREE 1h50
Théâtre du Chêne Noir – Avignon Off 2012
salle Léo Ferré à 16h
Du 7 au 28 juillet 2012
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