Le Ballet de Lorraine danse la dernière pièce de Petter Jacobsson Instantly Forever, aux accents post-moderne, avant son départ à la tête du CCN et Marco Da Silva Ferreira inonde la scène avec sa pop entraînante dans a Folia.
Depuis 2011 à la tête du Ballet de Lorraine, CCN de Nancy, Petter Jacobsson tire sa révérence avec une dernière création, Instantly Forever, avec son binôme artistique le chorégraphe Thomas Caley avant de laisser la place à Maud le Pladec en janvier 2025. Poursuivant une ligne directrice de mise en valeur de la création contemporaine, ils partagent cette soirée avec A folia du Portugais Marco Da Silva Ferreira, connu pour son esthétique chatoyantes où ses danses éclectiques et physiques transportent dans l’espace festif du club. Le Ballet de Lorraine – dont les 24 interprètes sont imprégnés d’autant de couches d’écriture du geste, que de chorégraphes pour lesquels ils ont dansé – s’affirme encore une fois comme un miroir de la création contemporaine, où l’esthétique pop est de plus en plus prégnante.
Sur scène, où le sol noir brillant reflète les corps virevoltant des interprètes, se déploie un ballet où les interprètes parcourent la scène en diagonales, en grands groupes, en courses ou en sauts, figurant des nuées d’oiseaux. Des moulinets de bras vers le haut, de grands jetés arabesques, des portés où un corps est soulevé par plusieurs… Dans cet ensemble dynamique, léger, ponctué d’une multitude de gestes, rappelant le classique, le contemporain ou même des danses traditionnelles, les corps sont étirés vers le haut, aériens et rebondissants. On perçoit le bain post-moderne dans lequel ont évolué Jacobsson et Caley, les accumulations de Trisha Brown et le flegme de Merce Cunningham ne sont pas loin. Une manière de faire dialoguer gestes du passé, du présent et du futur dans un même espace ? De les ancrer en dehors du temps cette esthétique un peu datée ?
Marco Da Silva Ferreira leur vole la vedette, avec A folia, un blockbuster qui met tous les corps en ébullition, sur scène comme dans la salle. Suivant la même ligne que ses précédents spectacles – intégrer des danses populaires traditionnelles mêlées à l’univers du clubbing dans ses chorégraphies – il déploie un ballet percutant, à la frontière entre virtuosité, précision académique et ardeur des danses propres aux espaces festifs. A Folia est une référence à la folia, une danse folklorique portugaise du XVe siècle, dansée par des bergers. Marco Da Silva Ferreira revendique l’héritage, à travers la musique de Luis Pestana invoquant la Renaissance aux accents baroques (qui rappelle Les Indes Galantes de Dembélé et Cogitore), mais convoque aussi des espaces festifs plus actuels, comme les raves et clubs, en témoignent les costumes entre street et club wear (pantalon jaune à trous, crop top en fine résille ou ensemble tie and die), comme des gestes des danses de club (comme des fragments de voguing ou de krump). Tout au long de la pièce, la disposition circulaire des danseuses et danseurs, reprenant le cypher des street dance, protège le danseur qui freestyle, se construit et se déconstruit, faisant apparaître l’espace des danses sociales.
Est-ce l’extase, la transe qui est recherchée ? L’énergie, les gestes et l’espace propres à ces danses populaire est intriquée dans une écriture chorégraphique ciselée. Il s’y dessine des tableaux mémorables, comme un mime de soufflet avec les bras où certains interprètes sont à genoux et d’autre debout, pour former une figure kaléidoscopique ou un solo sur pointes, faisant fi des chaussons habituels. Cette pièce insuffle une énergie intense, invoquée non seulement par le mime des soufflets, mais par les pulsations du buste en avant, qui leur donne au groupe un air de meute. Alors qu’Instantly Forever emportait les interprètes avec légèreté dans un tourbillon, A folia fait tonner une tempête. La preuve qu’une vague pop est en train de déferler sur les scènes contemporaines ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Pour les 24 artistes chorégraphiques du CCN – Ballet de Lorraine
Instantly Forever
Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley
Musiques : Igor Stravinsky, Steve Reich, Damon Frosta Folia
Chorégraphie : Marco da Silva Ferreira
Musique : Luis Pestana
Costumes : Aleksandar Protic
Lumières : Teresa Antunes
Assistante chorégraphique : Catarina Miranda
Répétitrice : Valérie Ferrando
Coproduction : Mafalda Bastos et P-ulsoJeudi 7, vendredi 8 et mardi 12 mars 2024 à 20h
Dimanche 10 mars 2024 à 15h
Opéra national de Lorraine – Place Stanislas à Nancy
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