Après son très remarqué Bruit de couloir (2013), solo autour de l’expérience de mort imminente, Clément Dazin met son jonglage chorégraphique au service d’une allégorie du travail. Une remarquable partition pour sept jongleurs.
Pour Clément Dazin, le jonglage est affaire d’entre-deux. Art des états intermédiaires. Dès Bruit de couloir en effet, sa première création après sa sortie du CNAC en 2012, le jeune circassien s’aventure seul dans le plus vertigineux des intervalles : celui qui sépare la vie de la mort. Après une belle tournée internationale, un Sujet à vif à Avignon en 2014 avec la danseuse Chinatsu Kosakatami et de nombreuses expériences en tant que performeur dans les projets d’autres artistes, il poursuit ses recherches en s’intéressant au travail. Sujet qui, dans Humanoptère, lui permet d’aborder le complexe mélange d’aliénation et de liberté qui caractérise l’homme contemporain. Et de transmettre à d’autres jeunes interprètes sa technique singulière, influencée par le mime et la danse.
On retrouve la même semi-pénombre que dans Bruit de couloir. Conçue par Tony Guérin, qui assure aussi la régie générale du spectacle, cette lumière d’aube ou de crépuscule – impossible à déterminer – inscrit d’emblée Clément Dazin et ses six compagnons dans un espace à la fois poétique et contraint. Mystérieux et minutieusement structuré. Seul élément de paysage de Humanoptère, elle isole d’abord les corps dans d’étroits cercles lumineux, avant d’accompagner leur avancée collective et ondulante, rythmée par des lancers de balles synchronisés. Mais cette organisation ne dure guère plus que la précédente. On a à peine le temps de penser à un insecte que le groupe se disperse à nouveau et entame, balles en mains, une série de gestes répétitifs. Lesquels ne tardent pas à se dérégler pour laisser place à un joyeux désordre de gestes sur l’ensemble du plateau.
Série de courts tableaux en clair-obscur, Humanoptère évoque le travail plus qu’il n’en illustre les réalités. Dans un équilibre subtil entre mouvements mécaniques et instabilité, Jonathan Bou, Martin Cerf, Bogdan Illouz, Minh Tam Kaplan, Martin Schwietzke, Thomas Hoeltzel (en alternance avec Miguel Gigosos Ronda) et Clément Dazin déclinent les bases du jonglage avec une inventivité et une précision qui témoigne de la richesse du travail préparatoire réalisé par le metteur en scène. Le plus souvent avec trois balles, installés en lignes qu’ils ne cessent de briser et de déplacer, ils déploient en effet un vocabulaire circassien et chorégraphique basé sur des entretiens avec des personnes diverses. Travail qui apparaissait dans Bruit de couloir sous forme de voix enregistrées, et qui passe cette fois uniquement par le corps. Par le tableau, assez abstrait pour concerner l’idée du travail en général et non un type de métier en particulier.
Dans l’entre-deux qu’il explore, Humanoptère va loin. D’une scène de jonglage à la chaîne à l’autre, Clément Dazin y trouve des solutions physiques originales pour exprimer non seulement les évolutions récentes de notre vision du travail, mais aussi d’une façon plus large notre rapport à la contrainte. Cela avec humilité. Sans prétendre déboucher sur une vérité quelconque. Avec ce spectacle, Clément Dazin ouvre au jonglage de beaux horizons.
Anaïs Helui – www.sceneweb.fr
HUMANOPTÈRE
directeur artistique Clément Dazin
avec et par Jonathan Bou, Martin Cerf, Clément Dazin, Thomas Hoeltzel, Bogdan Illouz, Minh Tam Kaplan et Martin Schwietzke
créateur lumière et régie générale Tony Guérin
créateur son Grégory Adoir
régie son Mathieu Ferrasson
aide à la mise en scène et regard chorégraphique Hervé Diasnas
accompagnement artistique Michel Cerda
administration, production et diffusion La Magnanerie – Julie Comte, Victor Leclère, Anne Herrmann et Martin Galamez
Production : Compagnie La Main de l’homme (Strasbourg) accompagnement La Magnanerie. Coproduction et résidences 2 Pôles cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg – Cirque-Théâtre d’Elbeuf, La Maison des Jonglages – Scène conventionnée de La Courneuve, manège, scène nationale-Reims, Furies, Art de la Rue – Pôle National Cirque en préfiguration à Châlons-en-Champagne, l’Odyssée- Scène conventionnée de Périgueux – Institut national des Arts du Mime et du Geste / Coréalisation Le Monfort – Théâtre de la Ville-Paris / Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Grand-Est, du Département de Seine-Saint-Denis, de la Ville de Strasbourg et de la SACD Accueils en résidences 2r2c, Coopérative de rue et de cirque –Espace Périphérique (Ville de Paris – La Villette), La Brèche – Pôle National des Arts du Cirque de Cherbourg-Octeville), Les Migrateurs – Strasbourg. Clément Dazin est artiste compagnon au manège, scène nationale – reims pour la saison 2017/2018 / Clément Dazin est artiste compagnon au manège, scène nationale-reims pour la saison 2017/2018 / www.clementdazin.fr © photo : Michel Nicolas
durée 1hLe Monfort
du 2 au 17 fév 2018 à 20h
avec le Théâtre de la Ville dans le cadre de sa saison hors les mursCentre culturel des Carmes, Langon
Le 2 marsThéâtre d’Eaubonne
Le 9 marsFestival Spring, Cherbourg
Le 21 marsThéâtre de Cachan
Le 27 marsThéâtre Victor Hugo, Bagneux
Le 30 marsThéâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France, scène conventionnée
Le 7 avril
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