Le dramaturge algérien Aziz Chouaki est mort brutalement ce mardi 16 avril, à l’âge de 67 ans. Il laisse de grandes pièces de théâtre qui ont souvent été jouées ces dernières années en France comme Les oranges ou récemment Esperanza.
Aziz Chouaki est né à Tizi Rached, en Algérie, dans une famille d’instituteurs. Son grand-père, Mohamed-Saïd Hadjeres, est le 1er instituteur musulman de l’École Normale durant la période coloniale Française (Albert Camus le cite dans Misère de la Kabylie). Dès 1955, en pleine guerre d’Algérie, Aziz Chouaki rejoint la capitale avec sa mère institutrice. Profondément marqué par l’abandon de son père, il se réfugie dans les livres. C’est en faisant son service militaire, en fouinant dans la bibliothèque de la caserne, qu’il découvre la littérature française classique. À sa sortie, en 1977, il se met à écrire.
En 1983, il publie à compte d’auteur un recueil de nouvelles et de poèmes au style très particulier. Il publie Baya, son premier roman en 88, le long monologue d’une femme dans l’Algérie post-coloniale. Le texte est monté aux Amandiers de Nanterre en 91 par Jean-Pierre Vincent qui lui dit: « Tu es comme Monsieur Jourdain, tu fais du théâtre sans le savoir ! ». Sa carrière de dramaturge est lancée. Un long compagnonnage se tisse entre l’écriture d’Aziz Chouaki et le metteur en scène Jean-Louis Martinelli, alors directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, qui lui commande plusieurs textes (Zoltan, Corsica, Esperanza), dont Une virée, monté en 2004, 2005, 2006. Cette fidélité se poursuit en 2018. Jean-Louis Martinelli s’occupe alors de la programmation du Théâtre Déjazet et met en scène Nénesse, sa dernière pièce. Il y décrypte les discours racistes d’un personnage incarné par Olivier Marchal. Les mots sont crus, violents, souvent dérangeants. Le spectacle est mal reçu par la presse pourtant derrière le vernis raciste des propos de Nénesse se cachent des personnages brisés par les accidents de la vie. Aziz Chouaki n’a pas pris de gants en écrivant cette pièce. Il dénonce les dérives racistes de la société française et brasse les grands sujets de société comme il l’a toujours fait dans ses pièces.
Dans son conte Les oranges, premier texte écrit en arrivant en France, il raconte la longue traversée onirique de l’histoire franco-algérienne. 170 ans d’histoires communes racontées par un homme à son balcon. Cela débute en 1830 par la prise d’Alger par les troupes françaises jusqu’au années 90 et l’entrée du Front Islamique du Salut (FIS) dans le paysage politique algérien. Le spectacle avait été monté avec succès par Laurent Hatat avec Azeddine Benamara (alors étudiant à l’Ecole professionnelle supérieure d’art dramatique du Nord-Pas-de-Calais (EPSAD) dirigée par Stuart Seide) et plusieurs fois repris en tournée, au Lucernaire, et dans le Off à Avignon.
Plus récemment, Hovnatan Avédikian a mis en scène avec succès Esperanza présenté au Lavoir Moderne Parisien. Le dramaturge redonne un visage et une histoire à une poignée d’exilés qui, au péril de leur vie, tentent de traverser la Méditerranée. Il sonde les motivations de ces déracinés volontaires. En creux, Chouaki dresse un sombre tableau de ces pays du Sud où des populations pleines d’espoir, d’envie et de ressources se heurtent à une caste qui dirige pour elle-même au lieu de se préoccuper des citoyens qu’elle administre.
Aziz Chouaki était un écrivain engagé, un humaniste, ces derniers jours il commentait encore sur sa page facebook le soulèvement de ses compatriotes en Algérie.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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