Le grand metteur en scène de théâtre, Jean-Pierre Vincent, est mort cette nuit à l’âge de 78 ans, a annoncé son entourage. Fragilisé par la Covid-19, il souffrait de séquelles, ce qui avait contraint le Théâtre National de Strasbourg à reporter la création de son Antigone de Sophocle prévue cette saison. Il aura été le compagnon de route de Patrice Chéreau au début de sa carrière. Il a aussi dirigé le TNS à Strasbourg et la Comédie-Française.
C’est avec Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau que Jean-Pierre Vincent fait ses premiers pas au théâtre. Ils se rencontrent au groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand. « J’ai vu un jour sur une porte grise dont je ne souviens très bien écrit à la craie : groupe théâtral » raconte Jérôme Deschamps. « Et derrière la porte, il y avait Jean-Pierre et Patrice. Et tout d’un coup on basculait dans un autre monde. Il y avait une sorte de bienveillance chez Jean-Pierre tout à fait admirable et simple« . Jean-Pierre Vincent se tourne très vite vers la mise en scène et suit Patrice Chéreau à Gennevilliers, puis au Théâtre de Sartrouville.
Avec le dramaturge Jean Jourdheuil, ils fondent le Théâtre de l’Espérance, chantre de l’expérimentation. Ils mettent en scène les auteurs allemands : Brecht, Büchner, Grabbe. Jean-Pierre Vincent se fait remarquer et on lui confie en 1975 la direction du Théâtre National de Strasbourg. Il donne une place importante à la formation et produit de grands spectacles autour de la classe ouvrière.
En 1983, François Mitterrand lui confie le poste très convoité d’Administrateur général de la Comédie-Française. Il ne se s’y sent pas très à l’aise, et quitte la Place Colette à l’été 86 pendant la première cohabitation. « Si son engagement et sa radicalité, que nous lui avons connus jusqu’au bout, ont pu créer alors des incompréhensions, il a pourtant ouvert une voie en tournant notre théâtre vers sa modernité » a confié Eric Ruf, l’actuel Administrateur. « Je puis témoigner que nous en profitons encore aujourd’hui. Chaque administratrice ou administrateur depuis en a fait son miel. »
Après le Français, Jean-Pierre Vincent replonge dans la direction d’un grand théâtre en 1990, il succède à Patrice Chéreau à la tête des Amandiers de Nanterre. Il y reste pendant plus de dix ans. Il devient un dénicheur de talents. Il convie en résidence de jeunes metteurs en scène, dont Stanislas Nordey. « On n’en n’a pas plusieurs des pères de théâtre » nous a confié le directeur du TNS. « Il m’a mis le pied à l’étrier, il m’a appris tout ce qu’est le théâtre public, il m’a initié au théâtre contemporain. Je lui dois beaucoup. Et puis c’était un pédagogue extraordinaire qui savait emmener très loin les jeunes acteurs. »
A la mort de Patrice Chéreau en 2013, il devient une sorte de Commandeur du théâtre français, une référence, le garant d’un théâtre exigeant. « Une sorte de conscience du théâtre français » conclut Stanislas Nordey.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Une vidéo réalisée par Stef Bloch pour le Théâtre Dijon Bourgogne
A voir aussi un très long entretien de Dominique Darsacq enregistré en décembre 1998
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