Durant sa vie, Oscar Wilde fera plusieurs séjours à Paris. De son adolescence à sa mort rue des Beaux-Arts, en passant par son apogée financière et artistique, le dandy a été marqué par le climat intellectuel de la capitale. Lors d’un long séjour en 1883, il rencontre les poètes Robert Sherard et Paul Verlaine, le peintre Giuseppe de Nittis et il ira dîner chez Victor Hugo (qui se serait endormi après un bref échange de plaisanteries avec Wilde).
De février à mai 1883, l’écrivain anglais, alors fortuné, séjourne principalement à l’Hôtel Voltaire sur la Rive-Gauche. Ses journées sont partagées entre la rédaction de sa pièce La Duchesse de Padoue et rencontres en tout genre. Pris dans la vie mondaine, il coupe ses longs cheveux et vit l’ambiance palpitante du Saint-Germain-des-Prés des débuts de la Troisième République. Mais de quoi est composée la vie théâtrale du Paris d’alors ?
La géographie des salles de spectacles partage de multiples ressemblances avec le paysage actuel. L’Opéra se joue au Palais Garnier, la Comédie-Française exploite son répertoire salle Richelieu et l’Opéra-Comique est Place Boildieu entre les rues Favart et Marivaux. Le Théâtre du Châtelet fait face, lui, au Théâtre des Nations. Dans le quartier Latin, l’Odéon cohabite avec le défunt théâtre de Cluny. Du côté des grands Boulevard, les principaux lieux sont le théâtre du Gymnase, la Renaissance, les Variétés et la Porte Saint-Martin. Quelque peu à l’écart, le Vaudeville fait concurrence aux Bouffes-Parisiens, non loin du Palais-Royal.
La scène dramatique, et particulièrement les quelques mois qu’Oscar Wilde passe à Paris, est marquée par Sarah Bernhard. L’actrice tient l’affiche pendant de nombreuses semaines au Vaudeville dans Fédora de Victorien Sardou. Est-ce lors d’une de ces représentations que Wilde eut l’idée d’écrire, spécialement pour Bernhard, sa tragédie Salomé ?
Cette époque où le romantisme consume ses dernières flammes est alors propice aux grands drames et au naturalisme. L’Opéra accueille la 200e d’Hamlet d’Ambroise Thomas en février 1883 alors que quelques jours plus tard le Théâtre des Nations accueille, sans succès, la création du Nouveau Monde de Villiers de l’Isle d’Adam. Le naturalisme s’installe aussi dans le paysage dramatique avec le Pavé de Paris de Delot, joué dès mai 1883 à la Porte Saint-Martin. Quant à Marivaux, Molière, Racine et Dumas, ils font encore les beaux jours du Français. Mais le succès le plus important au printemps 1883 reste La Queue du chat de Clerville et Marot : dès l’hiver, le théâtre du Châtelet compte le laisser à l’affiche jusqu’à la fin de l’été !
Et si Wilde avait préféré les salles proches de son lieu de villégiature ? Les Parisiens en Province font les belles nuits d’avril au Théâtre de Cluny : Mlle Raymonde a été engagée pour tenir le premier rôle. L’Odéon, quant à lui, accueille longuement Formosa d’Auguste Vacquerie.
Aujourd’hui, les lieux qui accueillent cette vie théâtrale sont aussi connus que les auteurs et les pièces qui y sont joués sont oubliés. Pourtant, Oscar Wilde, qui cultivait à l’envie une image primesautière, a suffisamment marqué la littérature et la pensée de son temps pour que ses mots résonnent encore au XXIe siècle. La saison dernière, le Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis a accueilli l’adaptation de L’Âme humaine sous le socialisme par Geoffroy Rondeau. Un texte peut-être nourri (de loin !) par une époque révolue ?
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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