Dans Guerre, et si ça nous arrivait ?, Laurent Maidon invite le public à vivre l’exil à partir de la France pour mieux comprendre la réalité des migrations d’aujourd’hui. Une forme simple et efficace.
Dans les argumentaires autour des migrations qui circulent dans les médias et sur les réseaux sociaux, on évoque souvent le passé des populations européennes, leurs mouvements, leurs déplacements contraints, au gré des événements dramatiques, guerres et crises économiques du siècle dernier. Dans une perspective similaire, pour mieux comprendre ce qui se passe pour un migrant aujourd’hui, pour approcher les difficultés auxquelles il est confronté, de son départ à son intégration dans un nouveau pays, en passant par son parcours migratoire, Jeanne Teller a écrit un récit dont le héros est un adolescent contraint de quitter la France.
« Et si aujourd’hui, il y avait la guerre en France… Où irais-tu ? ». Ainsi commence le spectacle qu’interprètent deux comédiennes, Marion Solange-Malenfant et Claudine Bonhommeau, derrière une grande toile blanche tendue à quelques mètres des spectateurs. Support de ce voyage imaginaire, elle servira à évoquer la migration à travers des jeux d’ombres et des projections d’images produites à partir de manipulations effectuées en direct, colorées, abstraites, développant un ailleurs propice à l’imaginaire.
A l’inverse, le récit développe un scénario dont la force réside notamment dans sa potentielle réalité. Une guerre s’est déclarée en Europe que les pays scandinaves se mettent à dominer. Un régime autoritaire, dictatorial, s’installe en France et le jeune adolescent de quatorze ans choisit de s’enfuir avec une partie de sa famille. Il va trouver refuge dans un pays du Moyen-Orient qui lui accorde l’hospitalité, mais maintient une défiance vis-à-vis des immigrés venus de l’Occident qui ressemble fort à celle que nos pays entretiennent vis-à-vis des migrants d’aujourd’hui.
Se mettre à la place de l’autre. C’est par ce simple effet miroir que fonctionne Guerre, et si ça nous arrivait ? Un procédé efficace qui permet de ressentir ce que les images médiatiques permettent rarement d’approcher. Souffrir du froid dans un pays dont les infrastructures ont été ravagées par la guerre. Vivre le déclassement social, le rapport à un pays dont on ne comprend pas la langue. Avec humour parfois, comme lorsque l’on entend les dirigeants du pays d’accueil se plaindre du désordre apporté par ces migrants dont les mœurs libérales sont trop éloignées des leurs. Mais surtout avec une simplicité qui rend la fiction concrète, palpable, plausible.
Forme courte de quarante minutes, particulièrement bien adaptée pour un public adolescent, Guerre, et si ça nous arrivait ? atteint ainsi son but, humble, pédagogique, et éloquent, sans céder au didactisme et en évitant la plupart du temps les clichés. Parfois les dispositifs les plus simples peuvent être les plus réussis.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Guerre, et si ça nous arrivait ?
de Janne Teller
Mise en scène Laurent Maindon
Avec Marion Solange-Malenfant, Claudine Bonhommeau
Assistante mise en scène Marion Solange-Malenfant
Lumières et Manipulation Jean-Marc Pinault
Bande son Jérémie MorizeauDurée : 35 minutes
Festival Avignon Off 2019
Présence Pasteur
du 5 au 28 juillet à 9h50 – Relâches les lundis 8, 15 et 22 juillet
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