Est-ce que le spectacle vivant dans sa globalité est représentatif de toutes les composantes de la société française ?
Hélas, la réponse est toujours non en ce qui concerne les grosses structures nationales. Elles ne représentent pas plus la réalité de la société française dans la parité homme-femme. Les directrices de CDN ou de Scènes Nationales sont trop peu nombreuses encore. C’est terrible pour notre pays. Il doit y avoir deux femmes à la tête de ces institutions. Et sur nos scènes nous sommes très loin du compte. Alors pourquoi ? Théoriquement le théâtre est le reflet de la société. Comme disait Artaud, « il est le moyen de comprendre et de d’exercer la vie », or il ne répond pas à cette fonction. Nous persistons à croire que l’acteur fait le rôle, or ce n’est pas le cas. C’est un rôle qui fait un acteur. Je devrais pouvoir jouer Louis XIV, mais on trouverait encore bizarre qu’un noir joue ce rôle ! Nous n’avons pas encore à réussi à dépasser ce genre de clivage ethnique. C’est peut-être à notre législateur de s’y atteler, on doit pouvoir inciter les institutions à mettre plus de reflet exact de la société française sur les scènes de théâtre.
Et c’est diversité on la voit pas non plus dans les salles…
Et ceci explique cela. Les gens veulent avoir le reflet de leur propre histoire. Nous n’avons pas appris en France à comprendre que l’autre s’il est d’origine arable ou d’origine africain est un autre nous-mêmes. C’est ce voisinage là, ce cousinage là qui fait qu’un à un moment ou un autre il n’y aura plus ce genre de clivage. J’ai essayé d’appliquer cette diversité depuis 15 ans avec la Chapelle du verbe incarné à Avignon en affirmant que ce théâtre allait recevoir des compagnies d’Outre-mer. Non pas pour faire un théâtre noir, pas pour faire un théâtre indien, c’était simplement pour faire la démonstration qu’il était possible dans un temps fort théâtral comme le Off que le public n’était pas hostile à des expressions différentes. Le théâtre fonctionne, le seul échec est de constater que je suis encore le seul.
Le titre du Off c’est « le plus grand théâtre du monde » et là le public retrouve une vraie diversité.
Parce qu’il n’est pas animé par une pensée unique. Le Off n’est pas le fait d’u directeur. Le Off est un ensemble de 116 directeurs, puisqu’il y a 116 théâtres ! Je préfère 116 théâtres à 116 casernes ! Le Off est le reflet de notre territoire. Les 26 Régions de France (avec les DOM-TOM) sont représentées à travers les compagnies et le public. Le Off maille le territoire national.
Avec une ouverture souhaitée à l’international.
Il s’ouvre naturellement à l’international. Les étrangers ne peuvent pas rester insensibles à un tel rassemblement. Le Off a un rôle fondamental. Il permet de jouer dans la durée. Une pièce est jouée en moyenne 7 fois en France, ici on joue plus de 20 fois. Il permet aussi d’être le plus grand marché du théâtre. Alors je sais bien que cela a très mauvaise presse. Il y a un marché de l’art, un marché du cinéma, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas un marché du théâtre. Et puis c’est aussi un creuset national. Aujourd’hui il n’y a plus de service militaire, mais il n’y a plus d’endroit où dans notre nation un alsacien croise un breton, un antillais ou un provençal. Ici les publics et les compagnies échangent leurs univers dans ce temps fort.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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