Membres de la compagnie belge Scratch, la jongleuse Gaëlle Coppée et le technicien Denis Michiels font jonglage de leur amitié dans Mousse. Un duo – non pardon, un solo, ou plutôt un solo à deux – où jonglage et autofiction font un absurde et délicieux ménage.
C’est au cœur de la 14ème édition de La Rencontre des Jonglages, organisée comme chaque année par La Maison des Jonglages et son partenaire Houdremont, centre culturel de La Courneuve, que nous rencontrons la jongleuse Gaëlle Coppée. Elle n’est pas venue seule : pour éviter la tristesse des tournées en solitaire, nous dit-elle en introduction du spectacle Mousse, elle a amené avec elle son meilleur ami, Denis Michels. Elle dit la vérité, ou presque. Comme elle, Denis est l’un des membres fondateurs de la compagnie belge Scratch, qui depuis son premier spectacle en 2013, T.N.T., s’amuse à dynamiter l’art du jonglage en y mêlant toutes sortes d’éléments qui n’ont rien à voir : « le scratch, la jonglerie, les chorégraphies idiotes, les anti climax », lit-on sur le site internet de la compagnie. L’autofiction s’ajoute cette fois au joyeux panachage des disciplines et des langages que pratique Scratch. L’alliance improbable est délicate, délicieuse.
Alors que des artistes comme le circassien Jörg Müller avec son étape de création de Tangle Drops, ou encore Laurent Chanel avec sa nouvelle pièce Cthulhu avaient absolument besoin pendant les Rencontres de l’espace clos d’une salle, de son obscurité pour présenter leurs passionnants laboratoires, Gaëlle Coppée et Denis Michels sont plus à leur aise sur un coin de trottoir. Leur proposition n’est pas pour autant moins expérimentale que celle des artistes cités plus tôt. Elle l’est très différemment, d’une manière ludique, pleine encore des doutes rencontrés lors d’un processus de création dont les traces sont volontairement nombreuses dans l’objet final. « Nous avons beaucoup douté sur la manière de commencer de spectacle, donc nous avons décidé de l’introduire en doutant », dit en substance Denis Michels, présenté par son amie comme un technicien, qui peu à peu se révélera lui aussi jongleur.
Gaëlle ne dit donc pas que la vérité. Elle s’arrange avec, pour créer une zone de trouble, un espace d’incertitude qui place les deux artistes dans un présent sensible, vivant. La qualité de leur dialogue fait de mots et de gestes, à la frontière du clown, tient beaucoup à ce qu’on sent qu’il s’invente en partie devant nous. Les partitions de ses 18 courtes parties – enfin presque, parce que certaines sont jouées deux fois, d’autres ont sauté au montage, pour des raisons que les artistes gardent pour eux –, ont beau être très largement écrites en amont, Gaëlle et Denis les font trébucher avec un bonheur évident. Ils les remettent en jeu à chaque représentation, si bien que plus largement que les balles qu’ils utilisent pour communiquer, elles sont la matière de leur jonglage. Mousse a la liberté d’un morceau de jazz.
Il a aussi celle d’un tableau surréaliste, dans sa manière de faire cohabiter « un micro, des balles, un jardinier, une plante, un k-way de grand-mère, France Gall et puis Barbara, des yeux ouverts, un coiffeur professionnel et un grand karaoké », énumèrent les artistes avec l’autodérision qui nous les rend d’emblée proches et sympathiques. Par le jonglage, Gaëlle Coppée et Denis Michels font de leur amitié un espace ouvert à toutes les choses petites et grandes qu’ils rencontrent sur leur route. Et donc au spectateur, que les deux amis prennent à témoin de leur manière particulière d’être au monde, de leur relation qui est à l’image de leur spectacle : grande bien que faite de peu de choses, et capable de s’adapter en fonction des lieux où l’on invite leur Mousse à proliférer. Tout-terrains, et capables de trouver de la joie même dans la tristesse – Gaëlle, nous apprend Denis, est particulièrement sujette au chagrin d’amour –, les deux jongleurs sont parés pour affronter l’époque. Et comme ils voyagent léger – quelques balles, une bassine, une chaise et quelques bricoles –, ils ont une place pour nous dans leurs bagages. On les suivrait même en pleine Drache, titre de la prochaine création de Scratch, qui verra le jour en 2022.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Mousse
Jongleuse : Gaëlle Coppée
Technicien : Denis Michiels
Coach : Bram Dobbelaere
Conseils en jeu clownesque : Christine Rossignol-Dallaire
Conseil en écriture dramaturgique : Gaël Santisteva
Conseils en jonglerie et amitié : Eric Longequel
Coproductions : Latitude 50 – Pôle des arts du cirque et de la rue [BE], Centre Culturel du Brabant Wallon [BE].
Accueils en résidence : Espace Catastrophe – Centre International de Création des Arts du Cirque [BE], Centre Culturel du Brabant Wallon [BE], Latitude 50 – Pôle des arts du cirque et de la rue [BE], Circus Centrum [BE], Festival International des arts de la rue de Chassepierre [BE], Centre Culturel du Wolubilis [BE], Centre Culturel d’Ath – CAR [BE], La Maison des Jonglages [FR], Maison de la création (CC NOH) [BE], Petit théâtre de la grande vie [BE], PERPLX [BE], Lauréat CircusNext+ (Co-funded by the Erasmus+ Programme of the European Union), Subtopia [SE], Cirqueon [CZ].
Soutiens : Wallonie-Bruxelles Théâtre-Danse [BE], Fédération Wallonie-Bruxelles [BE]. Le projet a bénéficié du dispositif « écriture en campagne » (Latitude 50 – La Chaufferie-Acte1, la SACD et la SSA)
Les Fêtes Romanes – Centre culturel Wolubilis (BE)
Les 23 et 26 septembre 2021
La Balsamine – Bruxelles (BE)
Le 25/09/2021
Festival en l’air – Centre culturel de Nivelles (BE)
Le 17/11/2021
Centre Culturel de Sprimont (BE)
Le 6/12/2021
Théâtre Antoine Vitez à Ivry
le 19 décembre 2021
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