Frédéric Bélier-Garcia, directeur du CDN d’Angers, met en scène « Chat en poche » de Feydeau. Une création faite avec peu de moyens, ornée d’un décor récupéré ça et là dans les réserves, la lecture de la pièce n’en est pas moins fine et intelligente. Bélier-Garcia extrait le texte de son XIXe siècle natal pour en faire une fable drôle et fine.
Fortune, femme, enfant : à Pacarel, il ne manque que la gloire. Cette gloire, il se la payera en faisant monter à l’Opéra de Paris, une œuvre (probablement médiocre) composée par sa fille. De ce départ bourgeois se noue une intrigue où le fils d’un ami de Bordeaux, Dufausset, débarque à l’improviste et est pris pour le ténor prodige attendu, avant de devenir la coqueluche des femmes de la maison.
Le texte a été très bien compris, ingéré par les acteurs et le metteur en scène. À cette pièce qui, montée littéralement, dure moins d’1h30, la création angevine donne plus de 2h. Il y a de l’improvisation, certes, mais elle soutient la volonté comique d’un Feydeau délirant en son temps que Bélier-Garcia semble sublimer et prolonger par une mise en scène amplifiant la portée burlesque des mots. Il laisse néanmoins une liberté de jeu importante à des personnages exubérants. Ici, le fils Dufausset, est érudit en chanson paillarde et, lorsque Pacarel raconte l’audition catastrophique qui s’est déroulée à l’opéra, Bélier-Garcia fait jouer la scène au second plan au milieu d’une banquise où une chorale vient soutenir le fumiste prodige.
Ainsi, tous les registres comiques se croisent et se répondent. Un certain nombre de quiproquos sont prétexte à des situations ahurissantes dans lesquelles les personnages sont pris corps et âmes, comptant sur le comique de mots pour s’en sortir. Le comique de geste trouve de brillants interprètes en chacun des acteurs qui, à leurs manières, s’approprient la folie du texte pour en extraire des personnages, certes drôles, mais aussi profondément humains. On pense voir une ode à l’hystérie, au mensonge, un monde où chacun est incapable de bienveillance, pour terminer sur un happy end avant l’heure. En simulant un faux générique de fin où les acteurs se rassemblent en avant scène avant de saluer, Fréderic Bélier-Garcia l’a bien compris : Feydeau c’est toujours du rire, mais aussi autre chose.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Chat en poche de Feydeau
Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia
Avec Aurélia Arto, Jean-Charles Clichet, Sébastien Eveno, Denis Fouquereau, Joséphine de Meaux, David Migeot, Agnès Pontier, Rodolphe Poulain
Lumière : Roberto Venturi
Costumes : Pauline Kieffer
Scénographie : Jacques Gabel
PRODUCTION CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL PAYS DE LA LOIRE
Durée : 2h05
CDN Le Quai à Angers
Du 23 février au 12 mars 2016
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !