Un couple jeune reçoit en villégiature un couple âgé. L’attrait du lieu est la pêche au crabe… La location de la maison leur permettra d’échapper aux huissiers (“Une maison est un machin qu’on peut toujours violer.” RD). Elle est dans un lieu très haut par rapport à la mer. Les locataires arrivent avec leurs germes de discorde, leur chien introuvable, suspect de cacher une bombe dans ses boyaux pour faire sauter le territoire. Ils ont des moustaches qui font exploser les rasoirs. Un seul de leurs pieds dans la baignoire et la baignoire déborde. S’ils mangent, les crabes leur pincent l’estomac pour qu’ils vomissent. Ils sont lubriques, accidentés et drogués. Ils ont le choléra, le désespoir métaphysico-politique, une sorte de cancer de l’âme. Leur méchanceté atteint son comble quand ils s’en prennent à leurs hôtes, qu’ils tuent, avant de se massacrer entre eux.
La création des Crabes (écrite en 1971) que Dubillard lui-même appelait “un cauchemar comique”, s’annonce cruelle et d’une ironie qui fait basculer le cauchemar dans le rire. Cette tragi-comédie est orchestrée dans un détournement presque alchimique du langage.
La Compagnie Tangente fêtera le centenaire de la naissance de Roland Dubillard, classé d’office parmi les inclassables, avec Maria Machado et Denis Lavant, en anges exterminateurs, et les jeunes acteurs danseurs Nèle Lavant et Samuel Mercer, en amoureux déchus dans une mise en scène de Frank Hoffmann.
Les Crabes, la pièce de Roland Dubillard, acquiert aujourd’hui une nouvelle actualité, éminemment brûlante. Elle met en scène un face-à-face entre des hommes et des crabes qui paradoxalement conservent en eux tout ce qu’on identifiait jadis avec l’homme et ce qu’il représentait de bon et de sacré. Le jeune homme-crabe et la jeune fille-crabe tentent de résister à la perversion du rouleau compresseur de Monsieur et Madame qui se revendiquent « humains », mais qui en dernière instance ne sont plus que des avatars équipés de mitraillettes et prêts à éliminer tout ce qui, sur leur chemin, s’oppose à eux. Et si c’est finalement Madame qui s’oppose à Monsieur, elle sera éliminée à son tour.
Et la baignoire déborde. Quand à la toute fin, le plombier arrive comme incarnation parodique d’un « Deus ex machina », il est définitivement trop tard.
Roland Dubillard préfigure dans Les Crabes le climat de notre époque morose et noire, en proie à des crises et des catastrophes incessantes, sans remède ni perspective.
Cependant, même si l’auteur tourne tout en dérision et insiste de bout en bout sur la méchanceté des hommes, il développe un arsenal poétique, merveilleusement drôle et grotesque, merveilleusement humain.
Roland Dubillard, un prophète attachant.
Les crabes
Mise en scène : Frank Hoffmann
Avec Denis Lavant, Maria Machado, Samuel Mercer et Nèle Lavant
Scénographie : Christoph Rasche
Vidéo/Photo, Costumes : Maya Mercer
Dramaturgie : Charlotte Escamez / Florian Hirsche
Lumières : Daniel Sestak
Création musique : René Nuss
Ingénieur son : Guillaume Tiger
Montage : Jean Ridereau
Assistante Mise en scène : Eugénie DivryProduction : La Compagnie Tangente
Coproduction : Théâtre National du Luxembourg – TNL, Théâtre du Chêne Noir Avignon, Théâtre Espace Coluche – TEC Plaisir, MCR Productions (coproduction en cours…) .
Avec le soutien de : Ministère de la Culture, Région Île-de-France, Département de l’Essonne, SACD, Spedidam, lumières des Cinés (partenariats en cours…).Avignon Off
Chène Noir
du 7 au 29 juillet 2023
à 19h15
Jeudis, vendredis, samedis et dimanches.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !