Le TNP de Villeurbanne de Christian Schiaretti présente sa nouvelle création, L’Echange de Paul Claudel, dans sa première version. Un drame humain dans l’Amérique de la fin du 19e siècle porté par quatre comédiens extraordinaires qui musclent les vers de Claudel.
C’est à la Scène Nationale de Sceaux dirigée par Françoise Letellier que le TNP présente en avant-première sa nouvelle production avant Villeurbanne. Le TNP fondé par Firmin Gémier aura 100 ans en 2020, et plus aucune grand théâtre à Paris ne fait le choix de programmer les spectacles de cette institution autrefois dirigée par Jean Vilar, Georges Wilson, Roger Planchon et aujourd’hui Christian Schiaretti qui quittera ses fonctions à l’issue des festivités fin 2020.
Pour l’une de ses dernières mises en scène au TNP, Christian Schiaretti fait le choix de la première version de l’Echange, celle écrite en 1894 (Claudel retravaille le texte dans une seconde version beaucoup plus tard en 1951). C’est un brûlot dramatique pour quatre personnages dans l’Amérique de 1890 qui oppose deux couples de conditions sociales différentes. Louis Laine, métis indien (Marc Zinga) et Marthe (Louise Chevillotte) sont les gardiens de la propriété de l’homme d’affaire Thomas Pollock Nageoire (Robin Renucci) et de l’actrice Lechy Elbernon (Francine Bergé).
La pluie s’abat sur la propriété, de plus en plus drue. Le sol rougeoyant, magnifiquement dessiné par la scénographe Fanny Gamet, est inondé de petites billes de plastique. Seul effet d’un spectacle qui fait la part belle aux acteurs et au texte. Cette pluie deviendra le sable de l’ouest américain, les cendres de l’incendie puis la poussière des dollars que Thomas Pollock brûle de ses mains. Pollock achète l’âme de Marthe à coup de billets verts, tandis que Louis succombe à la folie dévastatrice de Lechy. Paul Claudel dénonce déjà en 1894 la puissance néfaste de l’argent qui transforme les humains.
Christian Schiaretti fait le choix de l’épure dans sa mise en scène, sur ce plateau peint dans des teintes rouges et bleues qui se fondent magnifiquement avec les costumes des comédiens. A la beauté des vers de Claudel, répond la physicalité des comédiens, dont le jeu est ancré dans le sol. Ils mettent du nerf et du concret dans les vers de Claudel. A la robustesse de Marc Zinga répond la ténacité de Louise Chevillote. A la machination de Robin Renucci répond la folie de Francine Bergé. A 80 ans, celle qui a tenu le rôle de Liliane Bettencourt dans Boulevard Bettencourt de Michel Vinaver est tout simplement impressionnante. Elle ne lâche rien, se jetant à corps perdu dans les vers acides de Claudel. Elle est envoutante, elle vampirise l’espace dans ce rôle de démon qui ira jusqu’à faire assassiner son amant. Respect.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
L’échange
de Paul Claudel (première version) / mise en scène Christian Schiaretti
avec Francine Bergé, Louise Chevillotte, Robin Renucci, Marc Zingascénographie Fanny Gamet
stagiaire scénographie Lucille Lacaze
lumières Julia Grand
costumes Mathieu Trappler
maquillage Françoise Chaumayrac
conseil littéraire Guillaume Carronproduction Théâtre National Populaire
coproduction Théâtre Les Gémeaux – Sceaux
Durée : 2h15Du 15 novembre au 1er décembre, aux Gémeaux, scène nationale, Sceaux
Du 6 au 22 décembre 2018, TNP
Du 15 au 18 janvier 2019, La Coursive scène nationale, La Rochelle
Du 23 au 25 janvier 2019, La Comédie de Picardie
Du 12 au 13 mars 2019, La Comédie de Valence, CDN
Du 2 au 4 avril 2019, La Comédie de Saint-Étienne, CDN
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