En marge de l’exposition Faire son temps que consacre le Centre Pompidou à Christian Boltanski, se donne dans le parking du musée, Fosse, une création contemporaine commandée à l’artiste par l’Opéra-Comique. Une déroutante déambulation orphique dans les abîmes d’un monde de béton semi-éteint.
Dans les hauteurs du musée, les visiteurs suivent les longs couloirs gris sombre d’un parcours immersif à la rencontre des visages et des obsessions fulgurantes de Boltanski. La très dense exposition Faire son temps s’ouvre et se termine sous des petites ampoules de couleurs bleues et rouges formant les mots « Départ » et « Arrivée ». Au sous-sol du centre Pompidou, dans l’espace inconfortable et a priori inhospitalier de son parking souterrain, Boltanski propose un tout autre voyage où s’imposent pareillement l’errance, l’itinérance, fascinantes et glaçantes, à travers une géante installation, une performance spectaculaire, un opéra, hybride, original, inhabituel, que signe un trio qui se connaît bien : le plasticien Christian Boltanski lui-même avec à ses côtés Jean Kalman, créateur lumières et scénographe, Franck Krawczyk, compositeur et pianiste. Sans doute manque-t-il un metteur en scène à cette belle brochette d’artistes pour donner à la proposition une forme plus accomplie encore. Mais celle-ci est portée par une troupe importante de musiciens talentueux dont les membres du chœur Accentus et Sonia Wieder-Atherton, interprète toujours fine et aventureuse. Solistes, instrumentistes, choristes sont plus ou moins repérables, engoncés dans de semblables longs manteaux noirs et dispersés dans le gigantesque espace sombre pris entre les phares allumés des bagnoles recouvertes de bâches et les volutes de fumée fantomatique qui s’éparpillent dans l’obscurité.
Dans cette œuvre singulière, il n’y a ni début ni fin, les entrées et sorties sont libres pour chaque spectateur. Il n’y a pas d’histoires, pas de narration. Son écrin atypique tient lieu de livret expliquent ses concepteurs. Imprégné de l’atmosphère si particulière et déstabilisante qui y règne, chacun comprendra, ressentira, retiendra ce qui lui appartient de son expérience à la fois collective et individuelle qui confronte à l’inconnu, à l’indéterminé, à la beauté, à l’effroi, à la finitude, à la présence et l’absence.
On reconnaît quelques invariants de l’oeuvre de Boltanski : la prédominance du deuil et de la finitude, la faible intensité lumineuse, des rideaux blancs et flottants servant de supports vidéos et sur lesquels se réfléchissent les ombres déformées des spectateurs, enfin l’attrait pour des sons troubles et étranges. On y entend d’abord les cordes monotones de treize violoncelles qui s’épanouissent avec langueur puis se grippent, se pincent, se crispent, vrombissent et saturent avec stridence, rejoints par 6 claviers peu tempérés et même franchement martelés, puis par les guitares électriques et des percussions sourdes qui sonnent avec fracas jusqu’au chaos infernal. Coups de marteaux dans les murs, bruits métalliques de chaines, résonnent dans l’immense espace. Profondément tragique, la composition alterne mélancolie étale et secousses douloureuses. Ces nappes de sons diffuses de partout et enveloppantes portent les voix disséminées tandis que se déplace la soprano Karine Vourc’h empreinte d’un mystère transcendant, à l’image de cette création.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
FOSSE
BOLTANSKI / KALMAN / KRAWCZYKCommande de l’Opéra Comique
Création mondiale pour soprano, violoncelle solo, ensemble de violoncelles, guitares électriques, pianos, percussions et choeurSoprano Karen Vourc’h
Violoncelle solo Sonia Wieder-Atherton
pianos et guitares électriques en cours de distribution
Choeur accentusDu 10 au 12 janvier 2020
Parking du Centre Pompidou
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