Réécriture du Faust de Goethe par douze auteurs et autrices francophones, Si vous voulez de la lumière Faust I-II-III mis en scène par Florent Siaud dessine toute l’actualité des questionnements que véhicule la légende dans une mise en scène maîtrisée qui ne parvient toutefois pas vraiment à prendre chair.
Ce qu’on sait communément de Faust : un homme qui a passé un pacte avec Méphistophélès et le regrettera. Ce qu’on sait moins : le Faust de Goethe a cannibalisé les différentes versions de cette vieille légende. Et moins encore : les trois pièces que l’écrivain allemand a écrites à partir de ce personnage l’ont été sur une période de presque soixante ans. Florent Siaud , qui sait tout cela, a, lui, mis six ans pour mener à bien le vaste projet de son Si vous voulez de la lumière Faust I-II-III ( trois parties, comme celles de l’auteur allemand). Il faut dire qu’il a invité douze auteurs et autrices francophones à élaborer avec lui le texte de la pièce. Pas des moindres : Marine Bachelot Nguyen, Alexandra Bourse, Céline Delbecq, Rébecca Déraspe, Ian De Toffoli, Sèdjro Giovanni Houansou, Émilie Monnet, Hala Moughanie, Pauline Peyrade, Guillaume Poix, Jean-Luc Raharimanana, Guy Régis Jr et lui-même ont procédé via de multiples échanges, « par pollinisation et résonances », explique le dossier de presse. En est née une vaste fresque de 2h30, de trois parties qui reprennent grosso modo le canevas des textes de l’auteur allemand en le transposant dans le monde d’aujourd’hui. Le spectateur voyage ainsi à travers une planète confrontée au dérèglement climatique, aux excès de la science, aux tentations du transhumanisme et aux conflits avec le pouvoir politique qui vont se renforçant.
L’idée sur le papier était belle. Et la pluralité des voix n’a pas empêché de construire une histoire linéaire. Nous voici en compagnie d’un Faust qui prend les traits d’un oncologue parisien que de quotidiennement côtoyer la mort a profondément noirci. Jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’une de ses patientes, amour auquel il se donnera malgré l’interdit déontologique pesant sur une telle relation. Méphistophélès l’accompagne dans cette aventure. Mais la femme meurt. Faust tente de la faire revivre via un cosmogramme, sorte d’hologramme doublé d’IA permettant d’interagir avec elle, comme si elle était vivante, le tout au milieu d’une Californie ravagée par les flammes. Avant de se rendre sur une île exposée à la montée des eaux, dans une aventure politique désespérée, où Faust retrouve cependant, via son combat, un certain sens à la vie, qu’il va bientôt perdre.
L’ensemble est orchestré dans une très belle scénographie signée Romain Fabre, qui figure des intérieurs modulables aux tendances monochromes ouvrant chacun à sa manière sur des extérieurs naturels. Jardin, mer déchaînée ou forêts ravagées par les feux dessinent joliment la thématique du rapport de l’Homme à la Nature qui traverse la pièce tout autant que celle de son rapport à la mort. Yacine Sif El Islam interprète un Méphistophélès sensuel et sulfureux, serpentin, souvent moqueur, au charme vénéneux entraînant vers sa perte un Faust que l’excès de science a refroidi dans ses émotions. Les questions de l’acharnement thérapeutique, des réalités virtuelles, des chemins pour renouer avec la Nature ou de la radicalité politique s’y posent successivement. Tout cela est clair, mais tout cela fait beaucoup. Trop.
Passé un départ très drôle en adresse publique et les découvertes des premières scènes, la pièce se fait en effet de plus en plus ronronnante au fur et à mesure qu’elle progresse. On se perd dans les détails et les monologues comme s’il avait fallu préserver une place pour chaque auteur. Ce qui aurait pu être suggéré est souligné et l’action s’étire longuement comme la nappe sonore monotone qui l’accompagne. Le spectacle a déjà été raccourci par rapport à sa première version mais il semble que le projet de Florient Siaud ait été incompressiblement surdimensionné. A suivre les multiples strates de l’œuvre, le propos se disperse et se contente de transpositions certes judicieuses, qui n’éclairent pas pour autant d’un jour nouveau les problématiques abordées. L’interprétation est pourtant tenue et de qualité, et la troisième partie rompt la monotonie du rythme dans une esthétique qui se renouvelle mais la transposition laisse encore et toujours la sensation d’une histoire quelque peu désincarnée, qui ne parvient pas véritablement à prendre chair.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Si vous voulez de la lumière, Faust I – II – III
auteurs et autrices Marine Bachelot Nguyen, Alexandra Bourse, Céline Delbecq, Ian de Toffoli, Giovanni Houansou, Émilie Monnet, Hala Moughanie, Pauline Peyrade, Guillaume Poix, Jean-Luc Raharimanana, Guy Régis Jr et Rébecca Déraspe.avec Jasmine Bouziani, Francis Ducharme, Dominique Quesnel, Évelyne Rompré, Yacine Sif El Islam, Madani Tall
chant lyrique Cyrielle Ndjiki Nyamise en scène, dramaturgie, conception Florent Siaud
collaborations à la dramaturgie Pauline Bouchet, Alexandra Bourse, Dany Boudreault,
scénographie Romain Fabre
accessoires Marie-Ève Fortier
bande sonore, conception et design sonore Julien Éclancher
éclairages Nicolas Descôteaux
vidéo Éric Maniengui
maquillages et coiffure Justine Denoncourt
collaboration au mouvement Claudia Chan Tak
assistance à la mise en scène à la création Marie-Christine Martelproduction le Centre Culturel Canadien à Paris, le Centre des Auteurs Dramatiques, la Direction Régionale des Affaires Culturelles des Hauts-de-France, la Commission Internationale du Théâtre Francophone, le Conseil départemental de l’Oise, le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des Arts et des Lettres du Québec, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, la Direction Générale de la Création Artistique du Ministère français de la Culture, l’Espace Jean Legendre de Compiègne – Théâtres de Compiègne, l’Institut Français, la Mairie de Paris, l’Orchestre de Chambre de Paris, la Région Hauts-de-France, Respirations 2020 du FTA, le Théâtre des Célestins, le Théâtres de la Ville de Luxembourg, le Théâtre Paris-Villette, le Théâtre Prospero. Développé avec le soutien du Fonds national de création du Centre national des Arts d’Ottawa.
Remerciements aux personnels et étudiants des espaces des résidences de création suivants Association de Prévention du Site la Villette, Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, Conservatoire à Rayonnement Régional de Douai, Conservatoire à Rayonnement Régional de Lille, Conservatoire à Rayonnement Départemental d’Arras, Espace Jean Legendre de Compiègne, Fédération Départementale des Chorales de l’Oise, Groupe d’Entraide Mutuelle de Margny-lès-Compiègne, Institut De Formation En Soins Infirmiers de Compiègne, Le Tandem scène nationale, Lucarne d’Ariane, Maison de la Création et de l’Innovation de Grenoble, Maison du Bas Belleville, Théâtre Paris-Villette, Théâtre Prospero de Montréal, Université de Grenoble, Université de Technologie de Compiègne.
Durée : 2h30
du 5 au 17 octobre 2023
Théatre de la Cité Internationale – Paris
jeudi, vendredi – 19h
samedi – 18h
lundi, mardi – 20h
relâche mercredi et dimanche
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