Au Théâtre de la Colline qu’il dirige, Wajdi Mouawad met en scène sa dernière pièce, Fauves, au goût de déjà vu, une énième saga familiale, un voyage initiatique où se retrouvent des ficelles certes efficaces mais resucées.
Lorsque le rideau se lève sur le grand plateau de la Colline, une dispute éclate. Un couple se cogne et s’étreint en un même geste fauve. La femme tue son bel amant noir à coups de couteau. La scène sera plusieurs fois jouée, rembobinée, remontrée sous différents angles car il s’agit, en réalité, des images d’un film que monte son réalisateur Hippolyte Dombre, le héros central de l’histoire. Cette mise en abyme n’est pas sans rappeler le tournage qui inaugure la pièce Littoral. Comme dans le premier opus de la célèbre trilogie Le Sang des promesses, le personnage principal reçoit un coup de téléphone fatidique annonçant la mort d’un parent. Aussitôt propulsé dans le bureau d’un notaire où s’épluche le testament de la femme disparue, c’est alors le début d’Incendies qui revient en mémoire.
La vérité à éclaircir sur la véritable existence de la défunte, voilà l’enjeu presque prévisible de Fauves, pièce au cours de laquelle on suivra Hippolyte, la cinquantaine, père de deux enfants, homme pressé, expéditif, plutôt décevant, souvent odieux et ordurier, en partance sur les traces de sa mère bigame et de son géniteur qui n’est pas l’homme qui l’a reconnu. Au Canada, il va lever les secrets, les mensonges et combler les non-dits. Comme souvent chez Mouawad, il sera confronté à une succession de révélations et de monstruosités plus ou moins vraisemblables. Comme souvent, le risque de l’enlisement et de la surenchère n’est pas évité.
Wajdi Mouawad qui sait habituellement si bien construire et conduire ses histoires au long cours opte cette fois pour une dramaturgie du fragment et de l’éparpillement. Mise à l’épreuve de la distorsion de l’espace et du temps, l’intrigue n’avance pas mais se grippe, se répète, piétine continuellement. Les scènes se jouent et se rejouent sans chronologie ni linéarité. La narration demeure compréhensible en se reconstituant perpétuellement. Le suspens est formidablement ménagé mais c’est le rythme de la pièce qui en pâtit lourdement et les incessants changements de décor n’aident en rien. Souvent les choses passent trop en force. D’un point de vue de l’écriture mais aussi bien du jeu. Plein de fougue et de sensualité, il demeure passablement épais. Jérôme Kircher, si fin acteur par ailleurs, hurle uniformément du début à la fin. Il porte néanmoins avec conviction et engagement les ressassantes marottes identitaires et traumatiques de son dramaturge qui cette fois peine à se renouveler.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Fauves
texte et mise en scène Wajdi Mouawad
avec Ralph Amoussou, Lubna Azabal, Jade Fortineau, Hugues Frenette, Julie Julien, Reina Kakudate, Jérôme Kircher, Norah Krief, Maxime Le Gac‑Olanié, Gilles Renaud, Yuriy Zavalnyouk
assistanat à la mise en scène Valérie Nègre
dramaturgie Charlotte Farcet
conseil artistique François Ismert
scénographie Emmanuel Clolus
musique Paweł Mykietyn
lumières Éric Champoux
costumes Emmanuelle Thomas
maquillage, coiffure Cécile Kretschmar
son Michel Maurer
production
La Colline – théâtre nationalDurée : 4 heures
Théâtre National de la Colline
du 9 mai au 21 juin 2019 au Grand Théâtre
du mardi au samedi à 19h30 et le dimanche à 15h30
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