Nouvelle directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA) depuis le 1er janvier, à la suite de Catherine Marnas, la metteuse en scène compte bien inscrire les logiques de transmission et de partenariat au coeur de ce lieu de création.
Pourquoi avez-vous décidé de prendre la tête d’un lieu ?
Fanny de Chaillé : Tout simplement parce que c’était le bon moment. Ces dernières années, j’ai eu la chance d’être associée à de grosses maisons, comme le Théâtre Public de Montreuil, le Théâtre national de Chaillot et surtout l’Espace Malraux de Chambéry, avec qui j’ai pu cheminer pendant huit ans. À leur contact, j’ai pu observer qu’il était beaucoup plus facile de développer des projets et je commençais justement à me sentir à l’étroit au sein de ma compagnie. Avec la multiplication des spectacles et des tournées, nous vivions une crise de croissance, et je pense que nous pourrons plus aisément déployer notre travail grâce à la structure offerte par un CDN.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement poussée vers le TnBA ?
J’ai pensé et écrit mon projet en étroite collaboration avec Isabelle Ellul, avec qui je travaille depuis de très nombreuses années. Elle vit justement à Bordeaux, et connaît très bien ce territoire. Par ailleurs, le TnBA dispose d’une école, ce qui est très important à mes yeux. Cela entre en résonance avec la question de la transmission qui est au coeur de mon travail, notamment depuis quatre ou cinq ans.
Quels sont les grands axes de votre projet ?
Je souhaite que le TnBA affirme sa présence à tous les endroits. D’abord, grâce aux neuf artistes que j’ai décidé d’associer à mon projet – la Compagnie Toro Toro, Tamara Al Saadi, Baptiste Amman, le Collectif Rivage, Rébecca Chaillon, Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume, Mohamed El Khatib, Gwenaël Morin, Hatice Ôzer – qui, parce qu’ils sont nombreux et implantés en Nouvelle-Aquitaine pour cinq d’entre eux, pourront plus facilement être présents dans les lieux. Toutes et tous sont à des endroits de pratique, d’esthétique et de renommée très différents, ce qui était capital pour moi. Je souhaite qu’ils puissent déployer leurs gestes à l’échelle du lieu, mais aussi du territoire, notamment avec des pièces dites « situées » qui dépendront du contexte de création. Cela permettra au TnBA de sortir des boîtes noires pour aller à la rencontre d’autres publics.
Allez-vous en profiter, aussi, pour collaborer avec d’autres structures du territoire ?
Tout à fait, à l’échelle de la ville de Bordeaux, mais aussi de la région. Nous allons en particulier coopérer avec la Scène nationale Carré-Colonnes ou avec des festivals comme Trente Trente, Chahuts ou le FAB. Je souhaite faire du TnBA un théâtre en liens, qui puisse partager ses espaces à l’endroit de la programmation. Dans le contexte que nous connaissons, je crois qu’il est primordial de casser le côté concurrentiel et de remplir les missions spécifiques d’un CDN en faisant avec les autres.
Allez-vous également importé votre projet « Kids » au TnBA ?
Un temps sera effectivement consacré, chaque année, à la poursuite de ce projet qui permet à 80 enfants et adolescents d’investir le théâtre pendant les vacances scolaires afin de rencontrer des artistes, d’assister à des spectacles et de participer à des ateliers. Il est très important pour moi d’ouvrir les portes du théâtre à cette jeunesse qui, bien souvent, ne vient pas dans nos lieux car elle les connaît mal. Par ailleurs, toujours dans cette logique de transmission, j’ai envie de travailler en lien avec l’émergence, notamment en mettant au point un compagnonnage avec des structures comme le Glob Théâtre ou la Maison Maria Casarès, et de faire intervenir le TnBA au bon moment des créations.
Dans le même esprit, je souhaite que le TnBA devienne un lieu de ressources et mener un travail plus théorique, à travers un « théâtre de la pensée » qui donnera lieu à des rendez-vous réguliers pour se questionner, ensemble, sur des sujets de société en lien avec la programmation, mais aussi à des journées d’études qui réuniront producteurs, programmateurs, directeurs de lieux et artistes. Plutôt que nous nous regardions tous en chiens de faïence comme c’est parfois le cas, ces moments d’échange permettront de déminer les rapports de force qui peuvent exister et de travailler ensemble sur des questions précises.
Comment envisagez-vous votre rôle à la tête de l’École ?
J’assumerai pleinement la fonction de directrice de l’École, mais serai entourée d’un collège de six ou sept personnes, en majorité des actrices et des acteurs, pour penser la pédagogie. Souvent, dans ce genre de structures, on sollicite des metteurs en scène, mais je souhaite, pour ma part, redonner de la place à l’acteur afin de reconnecter la pratique de l’acteur pour des acteurs.
Comment appréhendez-vous votre nouvelle fonction de directrice, et notamment les questions de management d’équipe qui en découlent ?
J’arrive à la tête du TnBA avec Isabelle Ellul qui met en oeuvre mes projets. Pour l’heure, je me dis simplement que nous étions, jusqu’ici, 2,5 pour déployer le travail et que nous allons désormais être plus de trente. Cela nous permettra de faire plus grand, avec plus de monde. J’ai vraiment envie de partager notre vision, mais aussi que nous apprenions les uns des autres. De mon côté, cela va me permettre de me décentrer, d’accompagner d’autres artistes, mais j’ai bien conscience que le TnBA a eu une existence avant et aura une existence après moi, que je ne suis que de passage, pour le moment pour un mandat de quatre ans. Et il est très important pour moi, en parallèle de mes fonctions de directrice, de continuer à créer.
Les tensions financières qui bousculent de nombreux CDN ne vous effraient-elles pas ?
Je fais partie d’une génération qui a commencé à travailler avec moins de moyens. Lors de la création de mes premières pièces, nous disposions déjà de beaucoup moins d’argent pour, par exemple, créer des scénographies très imposantes. Ces contraintes m’ont poussé vers une esthétique sans décor, vers des pièces légères à tourner, et ce qui était une contrainte est devenue un choix qui traduit l’économie que je mets en place pour créer des spectacles. Toutefois, je vois bien la situation délicate dans laquelle se trouvent de nombreuses compagnies et prendre la tête d’un lieu va me permettre de davantage partager avec d’autres artistes car mes pièces coûtent moins chères à produire que celles d’autres metteurs en scène. Le monde a changé, la situation économique a changé et je crois que l’art est aussi être le reflet de ces changements. Cette nouvelle donne doit nous pousser à nous réinventer, à réinventer nos récits, à repenser nos logiques de tournée, mais aussi à coopérer davantage avec les autres. Les institutions ont des cahiers des charges spécifiques, mais les artistes peuvent, je le crois, réinterroger ces cadres, repenser les structures, requestionner ces endroits et voir comment ils peuvent travailler en faisant évoluer ces institutions.
Propos recueillis par Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Bla bla bla…. Pourquoi tous ces personnes qui arrivent à la tête de ces maisons procèdent par copié-collé? Théâtre en liens? S’intéresse t’elle seulement à la création locale?????