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« On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie », l’autofiction sur le divan

A voir, Le Havre, Les critiques, Paris, Strasbourg, Théâtre
Éric Feldman et Olivier Veillon créent On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie au TnS
Éric Feldman et Olivier Veillon créent On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie au TnS

Photo Patrick Zachmann

Éric Feldman et Olivier Veillon proposent un seul en scène sensible et puissant, une autofiction teintée d’humour abordant la transmission des traumatismes de la Shoah.

« Pourquoi avoir pensé à Hitler… juste après avoir fait l’amour ? » Si cette question (a priori incongrue) n’est pas celle qui ouvre On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie, elle est néanmoins l’interrogation permettant le déploiement du récit intime auquel se livre Éric Feldman. Dans ce spectacle (au titre a priori tout aussi incongru), le comédien – connu notamment pour son rôle dans Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat – est également auteur. Avec le metteur en scène Olivier Veillon – qui a, par ailleurs et entre autres, collaboré aux spectacles La fin du début et Plusieurs –, Éric Feldman livre une création passionnante. Un spectacle dont la forme aussi modeste que ciselée soutient subtilement un propos aux multiples et articulées ramifications. De l’ensemble, l’on retient à quel point il fait signe de toutes parts vers le travail analytique, à quel point c’est cette expérience vécue par Éric Feldman qui irrigue l’écriture, et architecture les résonances entre les histoires. Usant du dispositif analytique tout en s’en amusant, le duo Feldman-Veillon explore la façon dont la parole se délie et se tresse en permanence dans cet espace, jouant, au passage, de ce que suscite comme trouée le déplacement de ces codes sur une scène de théâtre et face à un public.

Dès que les spectateur·rices entrent en salle, iels découvrent l’acteur sur scène. Déjà installé dans un simple siège en bois, positionné légèrement de biais face aux gradins, le comédien attend. Regardant vers le public, croisant et décroisant les jambes tandis que des airs de jazz résonnent, cet homme évoque par ses menus accessoires – de quoi s’hydrater à sa gauche et quelques livres et un téléphone sur un petit tabouret à sa droite – plus l’analyste que l’analysant. Pourtant, c’est bien lui qui nous parle, et qui, dans une adresse directe, déroule tout un propos singulièrement rhizomatique. Un discours dont le cheminement par association libre renvoie à ce qui se joue dans le cabinet de l’analyste. Débutant par quelques brèves évocations où pointent diverses questions – celles de ses origines juives, de la langue yiddish parlée par son grand-père, des traumas de son père, du sexe et des relations amoureuses, de son attention obsessionnelle aux sens possibles des mots, de la religion –, Éric Feldman en arrive à cette fameuse question : « Pourquoi avoir pensé à Hitler… juste après avoir fait l’amour ? ».

Se proposant de mener l’enquête, le comédien et auteur trouve là un moteur pour ses pérégrinations au cœur de son histoire familiale comme de ses propres névroses. Et si la maxime « L’enquête avance ! » vient par trois fois scander son propos, les éléments évoqués se donnent comme des pièces éparses d’un même puzzle. Celui d’une famille dont l’histoire est marquée par la Shoah, de son père et de ses cinq frères et sœurs, ayant tous survécu au génocide, à son grand-père, survivant également. Progressivement, la réponse à la question émerge. Et que lui, comme plusieurs de ses oncles et tantes, n’ait pas d’enfant, tout comme sa reproduction enfant sous la forme d’un jeu de ce qui a été pour son père un enjeu de survie – « faire le mort », se cacher – n’ont rien d’anodin. Tout cela renvoie à la transmission intergénérationnelle des expériences traumatiques liées à la Shoah. D’une génération à l’autre, les traumas demeurent, se prolongent. Leur persistance se déploie ici à travers la pensée d’Éric Feldman qui, dans son cheminement, tresse de multiples résonances entre images et souvenirs, tous rappelant l’éternelle intranquillité pour les survivants de la Shoah comme pour leurs descendants. Citons, entre autres, le téléphone occupé et sa tante qui ne décroche pas ; la première réponse que lui a livrée son analyste – sur ses « besoins » – et les singuliers échos de cette phrase dans deux de ses rêves ; la chanson entendue par l’un de ses oncles enfant et l’expérience de ce dernier au Club Med.

Le refoulé fait retour, en permanence et sous de multiples atours. En analysant patenté, Éric Feldman nous en livre les aspects parfois les plus inattendus, s’amusant du dispositif analytique, imitant les gimmicks de l’analyste. D’un registre mémoriel à l’autre, le comédien se balade également entre les émotions. Qu’il demeure assis ou qu’il danse, il fait montre d’une grande précision et richesse d’interprétation, devenant tantôt inquiétant, tantôt taquin. Dans cette palette de jeu, seule la séquence imaginant Hitler en plein exercice de yoga a sonné avec moins d’acuité.

Accompagné par une création lumières soignée qui, entre lumières cliniques et doux halo, soutient avec intelligence et précision le tout, l’ensemble balance entre humour (souvent noir) et tragédie. Si, le soir de la première, les répétitions en début de spectacle de plusieurs formules – dont on saisit qu’elles servent à souligner la névrose obsessionnelle du personnage – tendaient à alourdir légèrement le propos, l’on pressent qu’elles trouveront rapidement leur juste place. Quant à la vision du Witz que donne Éric Feldman – l’artiste rabattant volontiers ce trait d’esprit volontaire (sur lequel autant Freud que Lacan ont écrit et travaillé) sur le lapsus, lui, involontaire et intempestif –, son amalgame rapide n’entame en rien la puissance de ce spectacle. Et la chanson finale en yiddish, Zog nit Keynmol (Ne dis jamais) – chant des Partisans du ghetto de Varsovie –, tout en continuant à travailler les traumatismes intimes, se donne autant comme un possible kaddish à la sœur disparue, que comme un dépassement de la pulsion de mort. Un mouvement de soin vers l’autre dans un ultime geste aussi émouvant que profond.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie
Texte et interprétation Éric Feldman
Mise en scène et collaboration à la dramaturgie Olivier Veillon
Soutien amical à la dramaturgie et à la mise en scène Joël Pommerat
Création lumière et espace scénique Sallahdyn Khatir
Création sonore et régie générale Louise Prieur

Production Miam Miam
Coproduction Théâtre national de Strasbourg ; Théâtre du Rond-Point
Soutien Fondation pour la Mémoire de la Shoah ; Théâtre Ouvert – Centre national des dramaturgies contemporaines ; CENTQUATRE-PARIS ; Théâtre du Petit Saint-Martin ; Ville de Dijon ; Région Bourgogne-Franche-Comté ; DRAC Bourgogne-Franche-Comté ; Maison Jacques Copeau ; Château de Monthelon – Atelier de fabrique artistique ; Fonds SACD Théâtre

Durée : 1h20

Théâtre National de Strasbourg
du 12 au 22 novembre 2024

Théâtre du Rond-Point, Paris
du 27 novembre au 15 décembre

Théâtre des Bains Douches, Le Havre
le 31 janvier 2025

Théâtre de la Madeleine, Troyes
le 4 février

14 novembre 2024/par Caroline Chatelet
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