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La torture mentale d’Enki Bilal

Agenda, Décevant, Les critiques, Nice, Paris, Théâtre

Photos Giovanni Cittadini Cesi

 

S’il a déjà travaillé sur des scénographies pour le théâtre ou la danse – on pense à Roméo et Juliette d’Angelin Preljocaj – le dessinateur et réalisateur Enki Bilal se lance pour la première fois dans la mise en scène. Il a choisi un livre de Fabienne Renault – « Mémoires d’une teigne » aux Editions Spengler, paru en 1994 (dont il avait déjà à l’époque dessiné la couverture) : le récit d’une femme dressant le portrait de ses congénères, 34 personnages vivants autour d’elle dans un coin de France, à la campagne. On y croise les voisines, les enfants, les amants, les personnes âgées, les anciennes copines d’école… L’écriture est belle, incisive, crue.  

Enki Bilal a transformé le récit en interrogatoire. Evelyne Bouix apparait ceinturée sur une table de torture qui peu à peu se redresse. La table pivote dans une obscurité inquiétante. Tout l’univers de Bilal est bien présent. Evelyne Bouix les cheveux en bataille, le visage maquillé par un trait de couleur rouge est contrainte de répondre à des questions banales sur sa vie. Sur l’écran en fond de scène on ne distingue en gros plan que la bouche de la voix qui mène cet interrogatoire, c’est celle de Jean-Louis Trintignant. Calmement, inlassablement, de cette voix inimitable, Jean-Louis Trintignant pose les questions sur les connaissances de la pauvre femme : « Vous avez dit sur Numéro 13… ». Il insiste, revient en arrière. Le récit devient absurde. On bascule dans un monde irréel. Enki Bilal nous fait plonger dans Kafka. Pourquoi ces histoires d’une vie si paisible à la campagne deviennent douteuses aux yeux d’une prétendue autorité ? La démarche est intéressante. Bilal dénonce le totalitarisme de nos sociétés, de nos états qui peuvent à tout moment réduire à néant un individu. On pense à ces centaines de français innocents ayant vécu la douloureuse aventure de la garde à vue, et qui basculent en un instant dans la culpabilité la plus honteuse.  

Malgré tout ce travail, et le talent indiscutable d’Evelyne Bouix et de Jean-Louis Trintignant, le spectacle ne parvient pas à prendre son envol. La tension se disperse. Evelyne Bouix qui de temps en temps se libère de sa table de torture reste hésitante, comme si elle était réellement emprisonnée par le dispositif scénique qui l’incline dans tous les sens et l’oblige à être dépendante d’une technique qui a tout moment peut être défaillante.  

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr    

Suspection  

texte de Fabienne Renault  

extraits de Mémoires d’une teigne (éditions Spengler 1994)  

adaptation, mise en scène Enki Bilal  

avec Evelyne Bouix  

et la voix de Jean-Louis Trintignant  

décors Enki Bilal  

assistante à la mise en scène Delphine Gustau  

bande sonore Goran Vejvoda  

costumes Mimi Lempicka  

accessoiriste Claire Gothon  

Évelyne Bouix est coiffée par l’atelier Any d’Avray  

production Théâtre du Rond-Point / Le Rond-Point des tournées  

coproduction Théâtre Jacques Coeur-Lattes  

25 – 26 novembre 2010 Jacques Coeur, Lattes  

30 novembre – 30 décembre, 18h30 – Théâtre du Rond-Point à Paris  

relâche les lundis, les 5 et 25 décembre  

12 – 17 février 2011 Théâtre National de Nice  

4 décembre 2010/par Stéphane Capron
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1 réponse
  1. Catherine Whitebird
    Catherine Whitebird dit :
    27 novembre 2010 à 7 h 52 min

    Une femme, menue, harnachée à une table de torture, inclinable, hérissée d’outils mystérieux. Une femme sanglée qui subit un interrogatoire. Telle est la scène.

    Un décor minimaliste, orwellien, un univers à la Brazil, dominé par la projection d’un visage tronqué. Celui de l’interrogateur. Une bouche mince en gros plan, incolore qui ne cesse de demander, d’exiger. « Vous confirmez ? Répétez !

    Le sujet de cet interrogatoire ? La vie même de cette femme dont on ne connait pas le nom, ses souvenirs, les gens qu’elle a côtoyés par le passé. Ce policier bureaucratique (ou ce bureaucrate inquisiteur) qui l’interroge, pour qui un dossier nominatif ne peut être classé, fouille sa vie, son intimité avec un seul objectif : l’oubli. Il faut qu’elle oublie les noms. Chaque nom doit être remplacé par un numéro. Petit à petit il s’approprie le passé de sa prisonnière.

    Et c’est là qu’intervient le génie d’Enki Bilal. Trois artéfacts simples qui d’emblée glacent le spectateur : une table de torture d’un modernisme médiéval, le regard du bourreau qu’on nous interdit de voir et la réduction des humains à de simples numéros. Tout est là, avec pour seul objectif la déshumanisation et l’exigence d’une totale soumission.

    Cet interrogatoire n’est pas le premier, ne sera pas le dernier et conduit peu à peu la prisonnière à accepter la règle : remplacer chaque nom par un numéro.

    Enki Bilal a détourné le texte incisif, tendre et vachard de Fabienne Renault, Mémoire d’une Teigne, pour en faire une œuvre visionnaire, qui nous concerne tous. Un jour le système nous réduira, chacun d’entre nous, à un seul numéro. Le zéro.

    On est touché par la tendresse de Fabienne Renault pour les « siens », on est amusé par l’ironie et la lucidité portée sur certains portraits, on est effaré par la cruauté de ceux qui partagent tous les mêmes traits : méchanceté, amertume, et bêtise.
    Numéro 1 nous émeut. Ce premier amour qui ne peut être oublié. Mort à 4 ans.
    Numéro 144 qui provoque l’hilarité par la crudité du propos est invitée à prendre le métro « pour élargir son esprit ».

    On se prend à se souvenir de sa propre enfance et on retrouve une galerie de portraits similaire où tendresse, lucidité, révolte contre l’hypocrisie des « grands » reviennent tout d’un coup.

    Moi aussi je me souviens.

    Et c’est là où on se dit que le bourreau échouera. Il ne pourra rien contre la profonde humanité de cette femme. Il ne pourra pas la réduire à ce numéro qui n’est pas dit et qu’on devine : le zéro.
    Elle se souvient et cette mémoire fait qu’en dépit de tout elle restera libre et humaine.

    Un seul être virtuel dans son tissu de relations : le -1 où l’on reconnaît Jésus « qui n’a jamais rien foutu de sa vie ». J’ai aimé la trouvaille du « -1 ». Le fils de Dieu ne fait pas partie de l’ensemble des nombres entiers naturels, N, mais de Z, l’ensemble des entiers relatifs !

    Une pièce servie magnifiquement par Evelyne Bouix et la voix de Jean-Louis Trintignant, bourreau calme et robotisé.

    La scène finale confine à l’absurdité bureaucratique.

    Finalement le regard du bourreau est dévoilé. On s’attendait à un regard dur, décidé, fanatique et on découvre des yeux perdus, presque hébétés. Le regard d’un fonctionnaire embarqué dans un système totalitaire qui l’a broyé lui aussi. La banalité du mal.

    Le regard d’un homme qui n’a pas su dire non.

    Un spectacle à voir absolument.

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