La ville libyenne de Derna, ravagée il y a un an par des inondations dévastatrices ayant causé des milliers de morts, accueille toute la semaine un festival de théâtre placé sous le signe de l’espoir.
L’édition du Festival de Derna, « al-Zahira » (la fleurie), surnom de cette ville de l’Est de la Libye connue pour ses jasmins et rosiers, avait été annulée l’an passé, du fait de la destruction de la plupart de ses bâtiments historiques dans la catastrophe. Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2023, la tempête Daniel s’était abattue sur la côte est du pays, provoquant de violentes crues aggravées par la rupture de deux barrages en amont de Derna. La tragédie a fait au moins 4 000 morts, des milliers de disparus et plus de 40 000 déplacés, selon l’ONU.
Avec des concerts de musique populaire libyenne et des chants traditionnels, la cérémonie d’ouverture du festival a attiré beaucoup de monde : des habitants de Derna, des artistes, de célèbres comédiens libyens et d’autres venus de pays arabes, notamment de Syrie, Jordanie, Egypte ou Tunisie. « C’est la première fois que je viens. Pour moi, Derna, c’est une découverte. J’avais hâte. En arrivant, on sent la douleur et en même temps, on ressent la joie. On sent que tout le peuple a de l’espoir », confie Abir Smiti, une comédienne tunisienne venue présenter la pièce Porte 52.
Après la chute et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye a sombré dans le chaos. Profitant de la désintégration de l’appareil sécuritaire, l’organisation jihadiste Al-Qaïda avait installé des fiefs à Derna et Syrte (centre) avant d’être supplantée par l’Etat islamique (EI), responsable d’attentats meurtriers dans tout le paie. Les deux organisations ont été chassées de ces villes de fin 2016 à 2018, notamment par les troupes de l’est de la Libye commandées par le puissant maréchal Khalifa Haftar.
« Derna mérite d’être belle »
Dans le pays nord-africain, deux camps se disputent le pouvoir depuis la fin du régime Kadhafi : à l’ouest, un gouvernement reconnu par l’ONU, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, face à un exécutif parallèle affilié au clan Haftar, qui domine l’Est et le Sud. Derna, qui comptait 120 000 habitants avant la catastrophe, a retenu d’importants projets financés par le Fonds de reconstruction de la Libye, chapeauté par Belgacem Haftar, l’un des fils du maréchal Haftar.
Parmi les trésors architecturaux, témoins du glorieux passé artistique et littéraire que Derna a perdus dans les inondations, figurent « Bayt al-thaqafa » (la Maison de la culture), mais surtout « Dar al-massrah » (la Maison du théâtre), le premier théâtre en Libye inauguré au début du XXe siècle. En attendant sa reconstruction, les autorités de l’Est ont choisi d’organiser le Festival sur les planches du petit théâtre de l’Université de Derna. « Nous savons tous ce qui s’est passé à Derna l’an passé. Nous avons insisté pour que le festival ait lieu (cette année) même si le Théâtre est encore en travaux », explique Nizar al-Aned , directeur artistique du festival.
Sous le slogan « Derna est de retour, Derna c’est l’espoir », le festival a invité sept troupes : cinq de Libye, une troupe d’Egypte et une troupe de Tunisie. En parallèle, « de nombreux séminaires et ateliers de formation importants sont organisés pour les jeunes comédiens et les dramaturges », détaille Hanane Chouehidi, membre du jury. L’image qu’offre Derna aujourd’hui « réjouit le coeur, malgré le drame, les morts et la destruction », dit-elle. La ville meurtrie apparaît « avec un nouveau visage. Derna mérite d’être belle comme ses habitants méritent d’être joyeux ».
© Agence France-Presse
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