Le directeur du Théâtre de la Ville investit le musée du Louvre avec un spectacle autour des œuvres d’Eduardo de Filippo, programmé dans le cadre du festival Les étés du Louvre.
20h. Les derniers visiteurs du Louvre ont déserté depuis longtemps le musée. Pourtant, dans l’une de ses ailes, des noctambules défilent devant les œuvres de l’excellente exposition Naples à Paris organisée grâce au musée Capodimonte. Une entrée en matière avant que les fantômes de la cité napolitaine n’envahissent à la nuit tombée la plus secrète des six cours du Louvre, la cour Lefuel – la seule d’ordinaire fermée au public – et fassent résonner la nouvelle création d’Emmanuel Demarcy-Mota qui rassemble des œuvres d’Eduardo de Filippo, de Luigi Pirandello et de Shakespeare. Le directeur du Théâtre de la Ville – dont la réouverture du site emblématique de la place du Châtelet à Paris est prévue en septembre prochain – inaugure la première édition du festival Les étés du Louvre, répondant à l’invitation faite par Laurence des Cars et Luc Bouniol-Laffont, avec qui il avait déjà travaillé au musée d’Orsay en 2021.
Les toiles de Raphaël, Titien, Guido Reni et bien sûr la Joconde, que l’on peut apercevoir de très près accompagnent les visiteurs vers l’Italie contée par Eduardo de Filippo. L’homme de théâtre, mort en 1984, est assez peu connu en France. Une situation voulue par l’artiste lui-même qui a formulé de son propre chef l’interdiction de jouer ses œuvres dans les théâtres de l’hexagone. « La relation amicale avec la France ne s’est pas faite, explique Emmanuel Demarcy-Mota. Eduardo de Filippo s’est senti critiqué et a été très blessé. » La faute à la réception d’une de ses pièces, malmenée par la critique française… « Il a décrété que c’était terminé, manifestant en ce sens son caractère très éruptif, volcanique, finalement napolitain. »
Avec Les fantômes de Naples, le public français peut donc entrevoir l’œuvre d’Eduardo de Filippo à travers plusieurs de ses textes composant ce patchwork dramatique conçu par Emmanuel Demarcy-Mota, aidé par ses fidèles comédiens français (Valérie Dashwood, Serge Maggiani…) et par des acteurs du Teatro della Pergola de Florence (dont le directeur Marco Giorgetti) ayant tous connu celui que l’on qualifie parfois de « Molière italien ». « Ça a été très puissant, raconte Emmanuel Demarcy-Mota. Ce sont des acteurs qui portent une histoire. Je me suis laissé totalement influencer par eux. »Le metteur en scène n’a pas cherché à rencontrer ses comédiens avant le début des répétitions, faisant totale confiance au Teatro della Pergola avec lequel il travaille depuis plusieurs années.
L’horloge tourne, la déambulation du public dans les couloirs du Louvre prend des allures de transhumance vers les gradins de la cour Lefuel. La lumière du jour décline au profit de la nuit. Il est 22h, Les fantômes de Naples investissent la scène arrondie dressée devant les deux escaliers monumentaux. Quelques chaises noires y sont posées de part et d’autre. En arrière-plan, les murs du Louvre agissent comme un puissant décor où résonnent plusieurs langues : français, italien, anglais, et même napolitain – le spectacle étant ponctué par des chants de la ville. Pour le reste, quelques notes de guitares et le bruit envoûtant de la mer suffisent à établir un climat de mystère.
Emmanuel Demarcy-Mota réunit tous les ingrédients pour faire plonger le public dans son théâtre italien, mais quelque chose ne prend pas. La tension dramatique repose sur des ressorts insaisissables. Une fille qui se noie, les adultes qui en rient, une femme qui semble au bord du précipice… ces scènes laissent un goût d’exagéré car diluées dans un assemblage de pièces. On aimerait se laisser porter par la magie de l’instant, mais les fantômes demeurent invisibles malgré l’inénarrable talent des comédiens…
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Les fantômes de Naples
Emmanuel Demarcy-Mota conception et mise en scène.
D’après les textes d’Eduardo De Filippo
Dramaturgie : Marco Giorgetti
Traduction : Huguette Hatem
Coproduction musée du Louvre / Théâtre de la VilleParis / Teatro della Pergola, Florence.
Spectacle en langue française, en italien et napolitain
(surtitré)Durée 1h30
Jusqu’au 3 juillet 2023
Déambulation à 20h, puis spectacle à 22h
Cour Lefuel au Louvre à Paris
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