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L’Heureux stratagème, fragments d’un tourment amoureux

À la une, A voir, Les critiques, Paris, Théâtre

Photo Christophe Raynaud de Lage, coll. CF

Au Théâtre du Vieux-Colombier, Emmanuel Daumas ressuscite cette pièce méconnue de Marivaux. Épaulé par une troupe de comédiens-français une nouvelle fois étincelante, il réussit, derrière la comédie de façade, à en souligner l’âpreté et la singularité.

Depuis les années 1730 où Marivaux avait décidé de la retirer aux comédiens-français, arguant qu’ils « déclamaient trop », L’Heureux stratagème n’avait été jamais été jouée sur les planches de la Comédie-Française. Comme un pied-de-nez posthume au dramaturge, Emmanuel Daumas a choisi de s’en emparer et de prouver que la troupe de la Maison de Molière a – heureusement pour elle – bien évolué, qu’elle est aujourd’hui capable de jongler avec la préciosité de la langue marivaudienne et de restaurer toute la modernité de cette pièce aux contours singuliers.

Contrairement à certaines de ses œuvres plus connues comme Le Jeu de l’amour et du hasard ou La Double inconstance, L’Heureux stratagème s’affranchit de l’éternel carcan social. Les dots, différences de classes sociales et autres mariages arrangés qui habituellement pullulent et viennent pimenter les intrigues échafaudées par Marivaux s’effacent au profit des cris du cœur. Eux seuls guident la Comtesse, et tout son entourage, dans ses choix amoureux, dans son désir de délaisser le gentilhomme Dorante pour le clinquant Chevalier Damis aux charmes duquel elle succombe. Au nom d’une revendication égalitaire inconsciente, elle aussi veut pouvoir écouter ses sentiments et accéder à ce privilège jusqu’ici exclusivement masculin, celui de l’infidélité. Des marivaudages qui ne sont pas du goût de la Marquise. Promise au chevalier, elle convainc Dorante de l’accompagner dans un astucieux subterfuge : les deux éconduits vont faire croire aux deux nouveaux fiancés qu’ils sont, eux aussi, tombés amoureux l’un de l’autre, espérant susciter leur jalousie et retrouver grâce à leurs yeux.

De ce jeu de dupes tout marivaudien, avec des femmes pour habiles maîtresses et des hommes dépossédés de leur traditionnelle mainmise, Emmanuel Daumas préfère, sans complètement délaisser les ressorts comiques, retenir les tourments dramatiques. Organisée en bi-frontal, sa scénographie permet de scruter au plus près les visages et les regards des comédiens, intensément marqués par la douleur du sentiment amoureux. De Laurent Lafitte, en chevalier beauf à l’accent chantant, à Loïc Corbery, Arlequin révulsé de voir son mariage avec Lisette compromis à cause des errements de son maître Dorante, en passant par Julie Sicard, machiavélique Marquise, et Claire de La Rüe du Can, touchante Comtesse soumise aux soubresauts de son cœur, tous donnent un relief particulier à chacun des personnages, avec une justesse et une aisance hors pair dans le maniement d’un phrasé complexe qu’ils s’astreignent à rendre totalement compréhensible.

Discrète et énergique, scandée par le « You go to my head » de Billie Holiday qui, progressivement, contamine l’ensemble de la troupe, tel un virus qui se transmet de proche en proche, la mise en scène d’Emmanuel Daumas est toute entière pensée au service de leur jeu. Éclairées par une lumière quasi spectrale, leurs silhouettes se détachent naturellement d’un décor tout de blanc revêtu. Emportés dans un mouvement qu’ils ne sont plus tout à fait en mesure de contrôler, ces apprentis de l’amour, ainsi stimulés, font l’expérience de sentiments qui semblent préparer l’avènement d’une nouvelle société, où les femmes seraient moins contraintes, les valets moins soumis et les contraintes sociales moins prégnantes. Comme un avant-goût de révolution.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

L’Heureux stratagème de Marivaux
Mise en scène : Emmanuel Daumas
Avec Éric Génovèse, Jérôme Pouly, Julie Sicard, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Jennifer Decker, Laurent Lafitte, Claire de La Rüe du Can
Scénographie et costumes : Saskia Louwaard et Katrjin Baeten
Lumières : Bruno Marsol
Collaboration artistique : Vincent Deslandres
Durée : 1h50

Théâtre du Vieux-Colombier, Comédie-Française
Du 19 septembre au 4 novembre

27 septembre 2018/par Vincent Bouquet
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