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Elsa Granat, artiste tendre et tranchante

À la une, Théâtre
Elsa Granat
Elsa Granat

Photo Liza Miri

Elsa Granat aura marqué l’année 2025 avec son adaptation irrévérencieuse et bouleversante de La Mouette à la Comédie-Française, tandis qu’avec les élèves de 3e année du CNSAD, elle a accouché de Full Metal Children en puisant dans l’œuvre d’Edward Bond, un auteur fondateur dans son parcours. La comédienne, autrice et metteuse en scène poursuit ce qu’elle appelle ses « pièces d’héritage » en s’arrimant au répertoire. L’écouter à l’occasion de ce portrait de fin d’année, c’est s’élever.

Elle cite la chorégraphe Pina Bausch ou le cinéaste Steve McQueen ; elle a la parole franche, imagée et affutée, à l’image de ses spectacles ; elle a gardé une pointe d’accent de Marseille qui met du soleil dans son débit. Elsa Granat est ce qu’on appelle alignée. Émotions déverrouillées, hauteur de vue et pensée profonde, plaisir fou dans l’acte de création, elle apparaît plus solide que jamais après cette expérience aussi enrichissante que galvanisante autour de La Mouette de Tchekhov au contact de la troupe du Français, plus que jamais en phase avec sa posture de metteuse en scène et sa pertinence. On la rencontre dans ce sas entre deux créations, on fait le point sur un chemin et on observe ce qui arrive pour comprendre un processus en permanente maturation, accéder à son insoumission, à sa rage, à son empathie, à sa flamme qu’elle a vive et enveloppante. Alors on a recueilli, au fil de son flux, des phrases où s’arrêter pour qu’elles éclairent son portrait.

« L’art n’est pas un résultat, c’est toujours une blessure »

Il y a eu Le Massacre du printemps qui avait fleuri sur les décombres d’un deuil autobiographique et qui tourne encore, délivrant sa puissance de réparation au plus près des publics, s’infiltrant en dehors des infrastructures théâtrales ; puis, King Lear Syndrome (ou les mal élevés) qui s’adossait au Roi Lear pour s’en affranchir, Les Grands Sensibles qui revenait à Shakespeare par d’autres fenêtres (Roméo et Juliette mixé à Hamlet) pour s’en échapper encore, au bras de Mary Poppins et Maria Montessori, et Nora, Nora, Nora… (de l’influence des épouses sur les chefs-d’œuvre) qui explosait les murs proprets d’Une maison de poupée, et passait au Kärcher la statue d’Ibsen sur fond de variété italienne. Et maintenant, Une mouette qui reprend pour une deuxième saison, et jusqu’au 11 janvier prochain, dans le Saint des Saints du théâtre français, et vient réveiller les fantômes de Tchekhov et « confronter des idées toutes neuves face à des esprits anciens » – comme elle le dit avec un sens de la formule bien à elle –, dans un cadre historique et séculaire consacré à la création scénique du sous-sol au plafond. Elsa Granat a besoin de se « rapprocher du temps présent des auteurs, de leur énergie vitale quand ils créent » pour « ranimer leur flamme et leur dissidence, continuer à activer leur potentiel de pagaille ».

« Aller vers la délicatesse, sans oublier l’origine des volcans »

Frondeuse et révoltée, mue par l’envie d’en découdre et d’aller au bout de ses intuitions, elle ne peut avancer qu’en nourrissant plusieurs projets sur le feu, en cuisine ou en gestation. Il suffit de mettre en regard ses créations pour y déceler des liens souterrains et autres circulations intimes. D’un spectacle à l’autre, qu’elle soit au plateau ou pas, Elsa Granat observe le monde tel qu’il (ne) va (pas), injecte sa puissance subversive, tient tête à la maladie, à la vieillesse et à la mort, bataille avec la tristesse, appuie là où ça blesse, accueille le grand âge autant que la jeunesse et injecte une vitalité féroce à la représentation. Là où couve l’asphyxie, elle libère la parole, là où la stigmatisation enferme, elle secoue l’ordre – masculin –  des choses ; là où la société invisibilise, elle met sur le devant de la scène. Elsa Granat enraye la machine infernale qui broie nos identités plurielles et débordantes en créant des spectacles aussi tendres qu’enragés, des œuvres sous tension et perfusion de joie où les failles laissent toujours passer la lumière.

« Mettre en scène, c’est amener les autres dans ton propre rêve… »

« Ce qui m’anime vraiment en ce moment, confie-t-elle, c’est une confiance de plus en plus aigüe, profonde et consciente dans la création. Dans ce qu’elle génère de puissance, de découverte de soi et du monde. » Et d’ajouter dans le même élan : « La création, c’est le lien entre le je et le nous. Tant que tu ne passes pas à l’acte, tu restes dans une abstraction ; puis, en te confrontant à la matière, tu exploses en mille morceaux. Mais tu es souvent recueillie par les acteurs qui sont là et qui transforment ces mille morceaux. C’est comme ça que j’ai vécu Une mouette au Français. » Il est loin le temps où l’on découvrait, dans l’ébullition avignonnaise, son tout premier spectacle, J’ai plus pied, en 2010 à l’Espace Roseau. Quinze ans se sont écoulés et si, déjà, une personnalité apparaissait, une singularité, une profondeur hors du commun matinée d’humour et de fantaisie, depuis, son geste s’est ancré, amplifié, agrandi. Une autrice est née au-delà de l’actrice, un regard s’affirme et s’affine, tandis que la metteuse en scène taille sa route dans le paysage théâtral, réveillant les plumes et les mythes du passé pour mieux remuer le temps présent.

« …et créer les conditions pour que tes partenaires arrivent à faire ce qu’ils ont à faire »

Ce sillon, elle continue de le creuser avec son prochain spectacle, qui la tourne pour la première fois vers le jeune public. Créé dans quelques semaines au Théâtre Paris-Villette, Papy Quichotte raconte l’histoire d’un grand-père qui se prend pour Don Quichotte. Un état délirant qui impacte toute la famille autour, contrainte d’entrer dans son jeu, renouant par là avec une fantaisie primordiale propre à l’enfance et avec notre faculté innée à nous raconter des histoires. En parallèle, elle entame un nouveau chantier avec Partition publique qui verra le jour au Théâtre Gérard-Philipe en juin prochain. « C’est une nouvelle posture que j’ai envie d’adopter, me positionner un peu comme un écrivain public, sortir du théâtre pour aller au-devant des populations et écrire ce qui n’est pas exprimé pour ensuite l’activer au plateau ». Son sujet ? La situation de la santé à Saint-Denis. « C’est un spectacle qui sera le reflet de cet état des lieux, ce sera très écrit, au pupitre, une sorte d’oratorio », et de conclure, l’œil pétri de malice : « Un poème de service public ».

« Par-delà tout ce que nous avons souffert, un jour nous verrons tout un ciel constellé de diamants »

C’est la dernière réplique de Sonia dans Oncle Vania qui donne son nom à sa compagnie, Tout un ciel, et l’inscrit dans cette nécessité de « porter attention » au travers d’un réseau d’actions en territoire, de vivre l’art comme un moyen de reconnexion et de réparation. Cette phrase-clef inscrivait d’emblée l’écriture de Tchekhov – par ailleurs médecin – au cœur de l’ADN artistique que revendique Elsa Granat. Dans cet élan qui tire sa force des fidélités de troupe, ce souci du partage et cette croyance indéfectible dans la réhabilitation du sensible, la suite est un horizon de promesses qui réinventent sans cesse les forces de la création, sans jamais perdre de vue le public : « Qu’est-ce qu’on peut faire bouger à l’intérieur des gens sans passer par un message frontal qui leur dit quoi penser, quoi vivre, mais qui les met dans une posture active et consciente, propice à être transformés en profondeur ? », se questionne-t-elle à chaque fois qu’elle entame un nouveau chantier. Car Elsa Granat se méfie des réponses faciles derrière lesquelles se retrancher. En cela, doute et mouvement irriguent les soubassements de son œuvre.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Les coups de coeur 2025 de Marie Plantin

Dans la catégorie « Le spectacle qui laisse sans mot » : La guerre n’a pas un visage de femme d’après Svetlana Alexievitch, mise en scène Julie Deliquet

Dans la catégorie « La réécriture frondeuse » : Une mouette d’après Anton Tchekhov, mise en scène Elsa Granat

Dans la catégorie « Le spectacle du futur » : Honda Romance de Vimala Pons

Dans la catégorie « Le spectacle qui rend justice » : Léviathan de Lorraine de Sagazan

Dans la catégorie « Le spectacle fleuve » : Le Soulier de Satin de Paul Claudel, mise en scène Éric Ruf

Dans la catégorie « La découverte » : Les corps incorruptibles d’Aurélia Lüscher

Dans la catégorie « Le spectacle orbital » : Fusées de Jeanne Candel

Dans la catégorie « Le spectacle cardiaque » : Valentina de Caroline Guiela Nguyen

Dans la catégorie « La reprise inespérée » : Les Idoles de Christophe Honoré

26 décembre 2025/par Marie Plantin
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