A Montpellier Danse avant le Festival d’Automne à Paris, Bouchra Ouizguen se fait la passeuse d’un rituel plus chanté que dansé qui s’offre comme une vibrante fête en larmes célébrant la fugacité de tout ce qui est voué à disparaître.
Annulée toute la saison dernière en raison des difficultés de circulation des interprètes internationaux dans le contexte pandémique, la nouvelle création de Bouchra Ouizguen, Éléphant, se laisse enfin découvrir comme une cérémonie troublante et envoutante portée par des artistes issues de traditions populaires marocaines, des chanteuses et musiciennes bercées par la musique et la danse depuis leur enfance. En guise de prologue, deux servantes munies de sceaux et de serpillières nettoient le sol comme pour préparer une grande cérémonie à venir. Une danseuse vêtue d’une tunique dont l’étoffe est ornée de couleurs, et portant une coiffe qui recouvre partiellement son visage, tournoie dans les bouffées d’encens. D’autres femmes la rejoignent, elles aussi en tenues d’apparat.
Pour cette dernière création, Bouchra Ouizguen explique : « j’ai d’abord rêvé à des hommes et des femmes extra-ordinaires que j’aurais voulu croiser au détour d’une rue ou lors d’un voyage. Ils font écho à mes héros ordinaires – paysans, jardiniers, femmes de ménage – peuplant mon quotidien ». Milouda El Maataoui, Halima Sahmoud, Joséphine Tilloy et la chorégraphe elle-même prennent place sur un tapis d’Orient déroulé. Silencieuses un moment, elles se mettent à chanter puis vont embraser l’espace d’un instant de vie simplement lumineux, fugitif et fiévreux. Ensemble, elles forment un chœur exclusivement féminin à la fois antique et contemporain. Ensemble, elles convoquent un univers lointain et radieux, un « ailleurs » spatial et temporel insaisissable et néanmoins captivant. Elles se font la mémoire d’un rituel immémorial qui ressurgit et se met à nu pour conjurer l’oubli.
La chorégraphe a pour habitude de signer des pièces à la fois brèves et brutes dans lesquelles se libère l’être avec tapage et organicité, notamment à travers l’exultation violente, virulente, du corps et du cri. Éléphant est encore de cette veine. Dans une totale simplicité, il s’y développe magnifiquement un art de la présence très affirmé. Au corps s’associe la voix. Le chant résonne, beau et brutal à la fois. Soutenu par les darboukas (de petits instruments de percussion traditionnellement faits en terre cuite) que frappent sans fatigue les interprètes animées d’un feu ardent, il scande leurs joies et leurs peines. A mesure que le spectacle s’efface, l’allégresse cède la place à la déploration qui s’exprime dans une longue et lente douleur hypertrophiée. Tout disparaît. Mais le temps suspendu reste pleinement habité et chargé d’intensité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Éléphant ou le temps suspendu
Direction artistique, Bouchra Ouizguen
Avec Fatima El Hanna, Milouda El Maataoui, Bouchra Ouizguen, Halima Sahmoud, Malika Soukri
Lumières, Éric Wurtz
Le Festival d’Automne à Paris est producteur délégué de la tournée française de ce spectacle. Les Spectacles vivants – Centre Pompidou et le Festival d’Automne à Paris sont coproducteurs de ce spectacle et le présentent en coréalisation. Le T2G – Théâtre de Gennevilliers et le Festival d’Automne à Paris présentent ce spectacle en coréalisation.
Production Compagnie O
Production déléguée de la tournée française Festival d’Automne à Paris
Coproduction Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Festival Montpellier Danse ; Wiener Festwochen ; AFAC – Arab Fund for Art and Culture (Beyrouth) ; HAU Hebbel am Ufer (Berlin) ; Kampnagel (Hambourg) ; Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France au Maroc ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation T2G – Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New SettingsDurée : 1h
Montpellier Danse 2022
Vendredi 17 et samedi 18 juin à 18h
Studio Bagouet / AgoraFestival d’Automne 2022
Centre Pompidou
14 au 17 SeptembreT2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National
29 et 30 SeptembrePoints communs – Théâtre 95
11 Octobre
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