Amateur de textes contemporains, Julien Fišera met en scène Eau sauvage de Valérie Mréjen, un dialogue à une seule voix entre un père et sa fille. Simple réceptrice silencieuse d’une parole monopolisée dans le texte, la comédienne Bénédicte Cerutti endosse les mots du locuteur sur la scène du Théâtre Paris-Villette.
Issue des Beaux-arts, l’artiste Valérie Mréjen travaille dans son œuvre autant l’image que l’écrit et c’est sûrement la raison pour laquelle Julien Fišera offre à ses mots une forme dénuée de réalisme, un écrin plastique, métaphorique, plein d’effets visuels un peu trop esthétisants. Des couleurs acidulées et capiteuses enveloppent l’interprète prisonnière d’un haut et étroit rectangle. Belle à regarder, la scénographie dit bien le sentiment de claustrophobie éprouvé par le personnage mais manque de simplicité.
A l’inverse, Bénédicte Cerutti restitue d’une manière quasi brute – débit rapide, ton naturel – et dépassionnée les mots du père : une litanie d’interrogations et d’injonctions, de lourds reproches ou d’inutiles précautions mêlés à d’importantes digressions quant à son état de santé, ses relations sentimentales complexes, ses voyages ratés ou merveilleux. Décousus, les mots et les idées vont vite, ils fusent, se télescopent, témoignent d’une attention paternelle profondément, exagérément, inquiète. L’homme passe en revue ses amis, son ami, son nouvel ami, dont il n’a pas toujours bonne opinion, tourne en dérision son métier d’artiste-vidéaste, se désole du tempérament asocial, dépressif, irresponsable de sa progéniture. Même bourrée de maladresses et de dureté envers sa fille, il s’agit bien sûr d’une déclaration d’amour, aussi bienveillante qu’envahissante, lancée à celle qu’il appelle son « enfant », «sa « chérie », sa « jolie ».
Le propos relève beaucoup de l’anecdote mais offre un reflet tout à fait juste de la vie et des banalités qui y prennent une place essentielle. La dramaturge ne cache pas s’être inspirée de sa vie personnelle et de son propre papa. En effet, on entend dans le monologue une forte intimité redoublée par Fišera qui sait installer une sensible proximité dans la représentation vécue comme un bon moment partagé.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Eau sauvage
de Valérie Mréjen / Mise en scène Julien Fišera (Compagnie Espace commun) / avec Bénédicte Cerutti / espace Virginie Mira / dispositif et régie vidéo Jérémie Scheidler / lumières Kelig Le Bars / musique Alexandre Meyer / costume Benjamin Moreau / réalisation costume Marie Vernhes / construction Jean-Claude Czarnecka / régie générale et régie lumières arNo Seghiri / Le texte est publié aux Editions Allia, Paris
Production Compagnie Espace commun / Coproduction La Comédie de Béthune – CDN Nord – Pas de Calais – Picardie, Le Vivat, Scène conventionnée théâtre et danse d’Armentières / Avec l’aide du Collectif 360. Eau Sauvage a reçu l’Aide à la Production du DICRéAM – CNC et l’Aide à la Production du Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Ile-de-France. / Julien Fišera est membre du collectif d’artistes de la Comédie de Béthune CDN Nord – Pas de Calais – Picardie. / Administration, production et diffusion Matthieu EdetThéâtre Paris Villette
15 SEPTEMBRE – 2 OCTOBRE 2016
mar au jeu à 20h / ven à 19h / sam à 20h / dim à 16h (relâche du lun 19 au lun 26)
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