Matthieu Barbin, connu sous le nom drag Sara Forever, dévoile un premier spectacle pour les théâtres. Dans ce seul en scène entre glamour et fantaisie, les parcours des pop stars permettent de parler de classe sociale.
Like a Prayer de Madonna résonne dans la salle. Les spectatrices et spectateurs se dandinent timidement tandis qu’une voix scande : « J’en vois encore qui sont raides comme des piquets ! ». Pas besoin de trop chauffer le public, il attend avec impatience la star. La vedette, c’est Matthieu Barbin, alias Sara Forever. Danseur contemporain depuis les années 2010, cet artiste a œuvré comme interprète chez le chorégraphe Boris Charmatz et les metteurs en scène Marlène Saldana et Jonathan Drillet, entre autres. Dans Totemic Studies (2018), il déployait un solo plein de fantaisie, avant de s’essayer au drag avec Les cent mille derniers quarts d’heure (2020). C’est là que naît Sara Forever, son personnage glamour et intello, avec qui il parvient jusqu’en finale de la saison 2 de Drag Race – franchise française de la compétition de drag-queens lancée aux États-Unis par RuPaul – diffusée sur France 2. Dynasties est son premier spectacle créé pour les théâtres. Dans ce one woman show, strass et paillettes rencontrent une réflexion sur l’héritage, où sa trajectoire croise des lignées de pop stars américaines.
Dynasties n’est pas qu’un drag show, même si c’est peut-être là qu’on attend Sara Forever, qui se prête volontiers au rôle d’entertainer. Elle déboule sur scène dans une énorme robe-couette digne d’un défilé de mode et un corset beige à strass, une tenue modulable qui dévoile au fil du spectacle plusieurs transformations. Les lipsyncs sont aussi au rendez-vous, notamment sur le tube des L5 Toutes les femmes de ta vie, et l’artiste va même jusqu’à se promener dans le public habillé en doigt géant en mousse, aperçu dans les matchs de baseball américain – clin d’oeil à celui porté par Miley Cyrus dans son show aux VMA en 2013 –, en demandant qu’on jette des drag dollars – des faux billets distribués au public quelques minutes avant – sur son passage. La danse est virtuose, l’allure est glamour. Maquillage étincelant et changements de perruques font de l’effet. Sara Forever est rayonnante, enchaîne les blagues entre les grands écarts, le tout avec autodérision… Les standards de la franchise Drag Race sont au rendez-vous.
Dynasties orchestre aussi des retrouvailles avec la pop culture. Car Sara Forever déroule, entre les moments de danse, un exposé de lignées de stars de la musique, dans lequel elle s’inclut, voire s’incruste. En témoignent une parodie de générique où elle figure avec sa mère, Marylis, aux côtés de Michael Jackson et Prince, tout comme le montage d’une célèbre vidéo où elle devient la remplaçante de Liza Minnelli (version drag) performant en duo avec Judy Garland. Le désir de se connecter plus directement au public est assumé – jusqu’à nous faire chanter en karaoké Les démons de minuit –, mais aussi de réhabiliter une culture populaire, parfois dévalorisée et souvent absente des théâtres. Cette culture véhiculée par la télévision, Matthieu Barbin a grandi avec, et y a même participé.
Sous le maquillage, Dynasties parle de la construction d’une identité, de l’héritage qu’on reçoit et qu’on laisse, mais surtout de classe sociale, à la fois dans ce qu’elle raconte – l’histoire des nepo babies, ces enfants privilégiés de célébrités –, dans sa performativité et dans le parcours transclasse de Matthieu Barbin / Sara Forever. Cette réflexion peine toutefois à vraiment se développer et à nous toucher, malgré l’attention au détail presque obsessionnelle qui jalonne le spectacle et les films attendrissants de la mère du performeur – la vraie queen de la pièce. On croirait que le sujet reste survolé ou qu’il peine encore à s’incarner dans l’ensemble des tableaux.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Dynasties
Mise en scène, performance et dramaturgie Matthieu Barbin / Sara Forever
Regard à l’écriture, tournage vidéos Florent Gouëlou
Regard extérieur Dalila Khatir
Lumières, régie générale François Boulet
Son Géraldine Belin
Costumes Aymerick Zana, Lion Ascendant Connasse
Éléments de broderie Vincent Gladine
Perruques Hitsublu
Traitement vidéos Aurélien Binault
Conseils artifices Marc ChevillonProduction déléguée Le Petit Bureau
Coproduction ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; CAPC – musée d’art contemporain de la ville de Bordeaux
Avec le soutien de la Direction générale de la création artistique – Ministère de la Culture, La Ménagerie de Verre, Paris et la Maison des Métallos, ParisDurée : 1h15
Vu en novembre 2024 au ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie
Maison des Métallos, Paris
du 11 au 20 février 2025Théâtre Dijon Bourgogne, CDN
les 3 et 4 avril
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