Suite à la tribune de Jean-Pierre Baro publiée la semaine dernière, et après un premier droit de réponse de son avocate, la plaignante, qui n’avait jamais pris la parole a souhaité rompre le silence.
Me voilà aujourd’hui tenue de choisir entre continuer à rester en retrait de l’espace médiatique comme je m’y tiens depuis que j’ai déposé plainte contre monsieur Jean-Pierre Baro en 2018, ou prendre la parole publiquement, ce dont je me suis toujours abstenue malgré ses diverses prises de parole depuis lors.
Suite au récit offensant produit par monsieur Jean-Pierre Baro ces derniers jours sur le média Sceneweb, et repris ensuite par d’autres médias et par nombre de personnes du milieu du théâtre, récit entendant faire revenir la honte dans mon camp, je me vois dans l’obligation de prendre la parole.
Ceci afin de répondre à certains points précis de son récit mensonger, me mettant en scène à renfort de détails permettant non seulement de m’identifier, mais également d’accéder à la fameuse « version des faits tels qu’ils se sont déroulés » de monsieur
Jean-Pierre Baro, sa parole outrageante ayant ainsi le loisir de s’étaler de manière publique, plus de trois ans après que j’ai saisi la justice et vu ma plainte classée sans suite, faute d’éléments permettant de suffisamment caractériser l’infraction.
Monsieur Baro aurait pu dire son innocence en rappelant le droit, puisqu’il est présumé innocent. Il avait le choix de le redire sans user d’un procédé visant à réaffirmer publiquement la puissance de sa parole écrasante contre celle à qui la justice demande des preuves qu’elle n’est jamais en mesure de fournir.
N’est-ce pas ce qui est exigé des présumées victimes, l’obligation de n’outrager personne par leur parole dans l’espace public sans avoir les preuves de ce qu’elles avancent ?
Les règles de l’état de droit s’imposent à tous et pas uniquement aux victimes présumées.
Ce plan de communication comporte plusieurs objectifs, et je ne répondrai ici qu’à celui qui vise à me nuire personnellement par des mensonges éhontés.
Les autres objectifs de ce plan de communication, intervenant dans le contexte de la programmation de monsieur Jean-Pierre Baro par le Théâtre national de la Colline et des réactions que cela a suscitées, ne me concernent pas. Qu’il soit clair ici que ma lettre ne vise en aucun cas à prendre position à ce sujet.
En 2018, j’ai déposé plainte, m’engageant dans un processus long et qui m’a énormément coûté, en temps, en énergie mentale et psychique, et financièrement.
Après que la plainte a été classée sans suite, un journaliste a relayé partiellement son contenu, aux côtés de deux autres témoignages – témoignages n’ayant fait l’objet d’aucune enquête à ce jour.
Monsieur Baro feint d’avoir oublié ces autres témoignages, s’autorisant, en réponse à l’article de ce journaliste, ce récit qui s’attelle à produire un discours qui vise à ne faire exister qu’un seul des témoignages en l’isolant, le mien. Le seul témoignage porté devant la justice, donc le seul au sujet duquel il puisse prétendre avoir été « innocenté » par « le Procureur de la République », ce qui est juridiquement faux.
En effet, sur le courrier du procureur de la République que j’ai reçu en 2019, il est écrit : « Ce classement ne signifie pas que vous n’avez été victime d’aucun fait, mais qu’en l’état les éléments recueillis ne permettent pas de justifier les poursuites pénales. Je vous informe que cette décision pourra être revue si de nouveaux éléments venaient à être rapportés »
Que monsieur Baro affirme avoir été innocenté est un mensonge. Mon avocate l’a signalé par droit de réponse au lendemain de la parution de ce récit, droit de réponse publié en préambule de son communiqué, sur Sceneweb.
Que j’ai été une collaboratrice de monsieur Baro et que nous ayons travaillé ensemble durant des années est un fait. Personne n’a jamais prétendu le contraire et je peux ici le réaffirmer. Répéter cela, comme pour se justifier, ne vient en rien attester que les faits que j’ai dénoncés n’ont pas existé ou qu’ils se sont déroulés tels que monsieur Baro le prétend.
Qu’il écrive qu’il n’y ait eu « aucune hiérarchie entre nous » et que monsieur Baro n’ait eu « aucun ascendant sur [moi], ni par [sa] position, ni par [sa] notoriété » au moment des faits que je dénonce est inexact.
Monsieur Baro était l’un des artistes portés par ce bureau de production, j’étais une assistante de production en Contrat à Durée Déterminée. Il n’est pas besoin d’étayer mes propos d’études sociologiques pour avancer qu’un metteur en scène, artiste, ayant déjà mis en scène des spectacles, occupe dans l’échiquier socio-professionnel une place supérieure à une assistante de production sortie d’étude et en premier poste.
On précisera que la relation de monsieur Baro avec les co-directeurs qui m’avaient recrutée était nettement antécédente à celle que j’avais avec eux. Sa compagnie était cliente et partenaire de ce bureau, tandis que j’en étais salariée en CDD depuis moins d’un an.
Monsieur Baro insinue que j’aurais décidé de ne pas candidater au TQI à ses côtés parce « qu’entre temps [j’]étais devenue directrice » du bureau de production. C’est faux puisque je l’étais déjà depuis 3 ans, à savoir depuis 2015.
Cette décision de ne pas candidater est justement en lien avec les faits que j’ai dénoncés, et visait à me protéger.
Aujourd’hui, je pourrais me tourner vers la justice à nouveau, me constituant partie civile, afin de demander qu’un juge d’instruction soit saisi des faits pour lesquels j’ai déposé plainte.
Ce faisant, je m’engagerais -onze ans après les faits que je dénonce, trois ans après m’être adressée à la justice comme je le devais, sans obtenir que ces faits soient jugés dans un second parcours du combattant (de la combattante, devrais-je dire), à nouveau coûteux en énergie, en force mentale, psychique, en temps de vie, et enfin
en frais de justice que je n’ai pas à ma disposition.
Malgré tout ce que je lis, je n’ai jamais regretté d’être entrée dans ce commissariat ce jour là. Parler m’a libérée. Croire en la justice -aussi perfectible soit-elle- et lui faire confiance, aussi. Lorsque l’agent qui a pris ma déposition m’a raccompagnée vers la sortie, il m’a dit « en tous cas, quoi qu’il advienne maintenant, vous pourrez vous regarder dans une glace le matin et vous dire que vous avez fait ce que vous aviez à
faire ».
En tout état de cause, et quelque soit la suite donnée à cette dénonciation, je devais prendre la parole aujourd’hui.
Il importait d’indiquer au lectorat de la tribune de monsieur Baro que ce plan de communication est façonné d’inexactitudes tant sur un point de droit fondamental que sur de nombreux points qui ficellent son récit.
Il était essentiel que soit clarifié qu’un classement sans suite n’est rien d’autre que l’impossibilité pour la justice à ce jour de tenir compte d’une parole qui ne peut se démontrer.
C’est une injure d’affirmer qu’il en est autrement, et il est indécent de se prévaloir d’un innocentement juridique inexistant.
Tout cela en réclamant que les autres n’agissent que dans le cadre de la loi, sans en respecter soi-même les bases.
Que la justice ne soit pas en mesure de tenir compte de ma parole est une chose, que monsieur Jean-Pierre Baro en profite pour raconter n’importe quoi à mon sujet en est une autre, et ce n’est pas tolérable. Pas dans un état de droit.
Le présent communiqué vise uniquement à répondre à cette inversion des positions qui devient insoutenable pour moi qui demeure depuis 3 ans dans le plus strict silence.
La plaignante, en réponse au communiqué de monsieur Jean-Pierre Baro, le 27 octobre 2021.
Bravo pour votre droit de réponse.
Tout mon soutien et mon admiration.
Je vous crois.
Bien à vous,
Enora Keller
Bravo pour votre courage et soutien à vous,
Je vous crois aussi,
Honte aux abuseurs de toutes sortes !
Marco Quaresimin