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« Boris Godounov », la résignation plutôt que la révolution

Les critiques, Lyon, Moyen, Opéra
Vasily Barkhatov met en scène Boris Godounov à l'Opéra de Lyon
Vasily Barkhatov met en scène Boris Godounov à l'Opéra de Lyon

Photo Jean-Louis Fernandez

Le chef-d’œuvre de Moussorgski, Boris Godounov, ouvre la saison de l’Opéra national de Lyon dans une version conduite par le chef d’orchestre Vitali Alekseenok et le metteur en scène Vasily Barkhatov. Très bien chantée, celle-ci déroute par son caractère sibyllin et distancié.

Emblématique du répertoire russe avec ses magistrales fresques chorales et ses tableaux plus intimistes, Boris Godounov est donné dans sa version initiale de 1869. Plus courte que la mouture plus tardive, composée en un trait et condensée en sept tableaux, elle est inhabituellement coupée par un long entracte. L’effet de dichotomie produit par la lecture défendue s’en trouve renforcé. La première partie plonge dans une froide et uniforme grisaille un peuple russe en proie à l’apathie, tandis que la seconde se présente comme son exacte antithèse, en affichant un trop plein de couleurs – notamment l’orange écarlate qui voisine avec celui de la Place Rouge où l’action est censée se passer. Comme anesthésié, vautré sur des sofas et vissé sur des téléphones portables dans l’attente d’un renouveau auquel il ne croit guère, le peuple amorphe est incarné par un chœur magnifique, même contraint au statisme, qui offre de beaux effets de masse, sans être tonitruant, et module certains passages de façon plus chambriste. La mort rôde – une urne funéraire passe de main en main – et la violence insidieusement menace. L’Exempt est ici un père de famille qui soumet ses enfants à coups de trique. Dans ces conditions, le couronnement de Boris, qui paraît au micro d’une tribune, ne suscite guère l’enthousiasme, mais plutôt l’indifférence. La suite fait osciller le lieu entre un centre aéré avec toboggan géant et bac à boules et un institut d’art thérapie pour enfants aux troubles autistiques, dont font partie l’Innocent et Fiodor, enfermés avec leurs camarades derrière une paroi grillagée qui rappelle celle d’une cage géante de hamster. Après la paralysie des adultes, le spectacle confronte à l’innocence d’une jeunesse bafouée, qui culmine avec le suicide inexpliqué de Xénia.

La représentation proposée par une figure montante et assurément douée telle que Vasily Barkhatov, qui fait ses premier pas en France, s’écarte ainsi de l’imagerie russe traditionnelle et de la pompe cérémonieuse de Boris Godounov. De l’élite politique et religieuse, ne restent que quelques hommes en costume-cravate et longues silhouettes en soutanes noires, portant la croix orthodoxe, montrées sur un mode satirique lors d’une scène amusante et enlevée autour d’un food truck où Varlaam (très bon David Leigh) pousse la chansonnette en sirotant des chopes de bière avant de soulager sa vessie. Difficile de définir clairement le sens que délivre la relecture proposée. Assez fine sur le plan psychologique, elle cherche à humaniser le personnage éponyme, et notamment à accentuer son rapport à l’enfance. Boris se présente non comme un tyran, mais comme un être aimant dans la sphère privée et hanté par la perte du tsarévitch Dimitri mort assassiné – ce dont il est accusé. Le corps inerte du garçon se démultiplie à l’envi et ressemble trait pour trait à celui de son propre fils. Ce n’est pas tant la mécanique du pouvoir qui intéresse le metteur en scène, mais le tourment causé par l’implacable conscience du héros dont la culpabilité le fait sombrer dans la folie jusqu’au funeste dénouement. Focalisée sur cette figure, la mise en scène éteint la revendication populaire qui passe à l’arrière-plan.

Sous la direction de Vitali Alekseenok, qui tire le son vers une belle sobriété, l’orchestre semble au départ un peu trop bridé, tant et si bien que la scène inaugurale ne rutile pas autant qu’il le faudrait. En revanche, à mesure que l’intrigue avance, la fosse gagne en souffle, en tension, en dramatisme. Boris Godounov est un rôle que connait bien le chanteur Dmitry Ulyanov. Il lui prête sa forte présence et sa voix de basse puissante et profonde, dont la noirceur torturée se fond dans des accents plus tendres, notamment dans sa longue et grave méditation sur l’exercice du pouvoir. Le sage moine Pimène de Maxim Kuzmin-Karavaev ne ressemble pas au classique vieillard sépulcral, mais se distingue par sa haute autorité. L’ambiguïté d’un Chouïski plus comploteur que jamais est assurée par Sergey Polyakov. L’usurpateur et fugitif Grigori possède les beaux moyens et l’exaltation un peu appuyée du ténor Mihails Culpajevs qui, à la fin, prend la place de Boris sans que rien n’indique une raison d’espérer. La production se conclut sur la déchirante supplique de l’Innocent somptueux de Filipp Varik, d’une rare juvénilité qui égale la clarté lumineuse du timbre. Son Coulez, coulez, larmes amères ! est, à la fois, plaintif et prophétique.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Boris Godounov
de Modeste Moussorgski, d’après la pièce d’Alexandre Pouchkine
Direction musicale Vitali Alekseenok
Mise en scène Vasily Barkhatov
Avec Dmitry Ulyanov, Iurii Iushkevich, Eva Langeland Gjerde, Dora Jana Klarić, Sergey Polyakov, Alexander de Jong, Maxim Kuzmin-Karavaev, Mihails Culpajevs, David Leigh, Filipp Varik, Jenny Anne Flory, Hugo Santos
Orchestre, Chœurs, Maîtrise et Studio de l’Opéra de Lyon
Scénographie Zinovy Margolin
Costumes Olga Shaishmelashvili
Lumières Alexander Sivaev
Chef des chœurs Benedict Kearns

Coproduction Opéra de Lyon, La Monnaie de Bruxelles, Staatsoper Hanovre, Abu Dhabi Festival

Durée : 2h45 (entracte compris)

Opéra national de Lyon
du 13 au 25 octobre 2025

16 octobre 2025/par Christophe Candoni
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