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Points de non-retour : clap de fin pour la trilogie d’Alexandra Badea

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Pascal Gély

Quatre ans après avoir initié la première partie de sa trilogie intitulée “Points de non-retour”, Alexandra Badea boucle la boucle de son ambitieux geste théâtral visant à exhumer certains épisodes plus ou moins oubliés du XXème siècle. Le Théâtre de la Colline, son port d’attache parisien, programme l’intégrale, réaffirmant son soutien aux auteur.ices vivant.es qui viennent questionner nos identités multiples et l’impact du politique sur nos trajectoires intimes.

Avec Diagonale du vide, l’autrice et metteuse en scène Alexandra Badea clôt sa trilogie démarrée en 2018 à la Colline : “Points de non-retour”, trois volets réunis par une même ambition, soulever la chape de plomb sur certaines zones d’ombre de l’Histoire de France. Après avoir abordé le massacre de tirailleurs sénégalais perpétré par l’armée coloniale française en 1944 dans Thiaroye, la répression policière sanglante des manifestants algériens en 1961 dans Quais de Seine, elle porte son attention sur les enfants oubliés de la Creuse, orphelins mêlés à de jeunes réunionnais déplacés dans les foyers de la DDASS dans les années 80 pour repeupler les territoires ruraux de l’hexagone. Chaque pièce s’articule autour du personnage pivot de Nora, réalisatrice de documentaires, qui, armée de sa caméra et d’un irrépressible besoin de comprendre, ausculte les béances de l’Histoire, tente d’approcher à tâtons ses angles morts, interrogeant ceux qui restent, les témoins directs ou les générations d’après. Interprétée avec un joli mélange de douceur et d’aplomb par la comédienne franco-belge Sophie Verbeeck, elle fait le lien entre les trois pièces qui peuvent être vues indépendamment les unes des autres, chacune étant conçue comme une entité se suffisant à elle-même, dévoilant un pan précis de l’Histoire remisé sous le tapis. Voir la totalité s’apparente à une traversée fleuve dans les sous-sols du passé et donne l’impression de se déciller la mémoire. Découvrir qui plus est ce geste artistique ample, volontaire, affirmé, à la Colline, chez Wajdi Mouawad qui a lui-même bâti son œuvre sur des problématiques identitaires ardentes et offre dans ses murs une terre d’asile aux auteur.ices contemporain.es spécifiquement habité.es par ces questions, irrigue la représentation d’une pertinence accrue. On assiste presque au passage de relais d’une génération d’auteur à une autre. La filiation est évidente quand bien même l’écriture et l’esthétique diffèrent.

Dans la boîte noire du théâtre, Alexandra Badea prend presque au pied de la lettre cette notion de “zone d’ombre” de l’Histoire, elle la matérialise en créant des espaces scénographiques sombres, des ambiances nocturnes, comme si les êtres en présence étaient sans cesse rattrapés par les ténèbres. L’espace de jeu occupe toute la largeur du plateau pour imposer un théâtre en cinémascope qui puise dans les outils narratifs de la fiction cinématographique et les témoignages face caméra propres au documentaire. Ainsi, Diagonale du vide oscille sur deux modes, nous rappelant sans cesse que l’Histoire n’est que le récit qu’on en fait et qu’il suffit de changer de point de vue pour voir les choses sous un angle différent, déplacer croyance fausses et mauvaises interprétations. “Tout est vrai et faux” fait elle dire à l’un de ses personnages. Le spectateur avance dans le présent du tournage chaotique et sans moyens d’un documentaire né d’une nécessité personnelle et plonge tête la première dans le flash back opéré par le retour sur le “lieu du drame”. Chaque personnage, trois anciennes pupilles échouées dans ce foyer d’accueil peu hospitalier, visitées par le fantôme d’une ancienne acolyte au destin tragique, apporte sa version des faits, offrant un éclairage nouveau au récit reconstitué trente ans après.

Les trois modules cubiques présents dans les trois spectacles et permettant la représentation d’intérieurs et les va-et-vient d’un récit à l’autre, tels des mondes parallèles, apparaissent ici d’emblée comme éclatés, comme si sa structure d’ensemble avait été démembrée. Du lierre s’immisce, recouvre les murs, marque du temps écoulé, lien végétal qui vient creuser le hiatus des deux temporalités en alternance. C’est dans ce décor-ruine, à l’abandon, que se retrouvent deux hommes et une femme y ayant vécu dans leur prime jeunesse. Il est la matrice de leurs souvenirs, les tensions s’y rejouent, les conflits explosent, les blessures de chacun s’exposent malgré eux. A travers eux, Alexandra Badea explore les motifs de l’abandon et du déracinement, familial et géographique. Si ses personnages ont subi maltraitance ou traumatismes, tous se débattent, la rage de s’en sortir chevillée au corps. Les comédiens sont remarquables d’engagement, de justesse, d’énergie déployée sans faillir et last but not least s’accordent à merveille. Multiculturelle, la distribution déploie elle aussi le visage d’une France métissée, riche de la pluralité des nationalités qui la compose : Madalina Constantin est roumaine, Amine Adjina franco-algérien, Kader Lassina Touré franco-ivoirien, Véronique Sacri est originaire de la Réunion. Ils sont bouleversants dans leur présence physique au plateau autant que dans les gros plans projetés, filmés en direct par Sophie Verbeeck qui trouve elle aussi la bonne tonalité, sa juste place, pour les écouter, recevoir leur parole sans s’effacer complètement pour autant. Et si l’écriture d’Alexandra Badea recèle certaines emphases et longueurs, certaines formules un peu massives, si sa présence discrète sur le plateau en début de spectacle, mise en abyme dans sa fonction d’écrivain tapant à l’ordinateur le texte qui va s’incarner sous nos yeux, ne semble pas d’une absolue nécessité, il faut avouer que son spectacle nous prend à la gorge, qu’elle mène rondement ce ballet de destins liés et nous emporte dans le défi qu’elle s’est fixée de raconter ce qui manque, combler les vides via la représentation de récits enterrés trop vite. Et ensemble, artistes et spectateurs réunis, de retisser les fils d’une mémoire collective qui nous rassemble plutôt que le contraire.

Points de non-retour [Trilogie]
texte et mise en scène Alexandra Badea
avec Amine Adjina, Madalina Constantin, Kader Lassina Touré, Véronique Sacri, Sophie Verbeeck et Alexandra Badea
scénographie, costumes Velica Panduru
création lumières Sébastien Lemarchand
création sonore Rémi Billardon
création vidéo Jonathan Michel
assistanat à la mise en scène Hannaë Grouard-Boullé
collaboration à la scénographie Cosmin Florea
construction du décor Ioan Moldovan / Ateliers Tukuma Works
direction de production Emmanuel Magis (Mascaret production)

Du 12 janvier au 6 février 2022
Au Théâtre National de la Colline
15 Rue Malte Brun
75020 PARIS

Points de non-retour [Diagonale du vide]
Les vendredis à 20h30 • durée 1h55
les samedis à 14h30 et dimanches à 12h, la trilogie est présentée en version intégrale • durée 7h avec 2 entractes

20 janvier 2022/par Marie Plantin
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