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La peur mise à nu

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre

photo JO

Dans une forme aussi modeste qu’efficace, la compagnie Le cri de l’armoire explore avec 2 sœurs les mécanismes de la peur, la façon dont celle-ci opère et se construit, seul ou à plusieurs.

Cela commence le plus simplement du monde : sur un plateau aux faibles lumières et occupé de quelques planches installées à la verticale à cour – signifiant une armoire – et de bûches de bois au centre (faisant office de tabouret ou dessinant un feu de camp), un personnage entre et se place à l’avant-scène. Vêtu assez classiquement (pantalon, polo, veste) ce jeune homme prénommé Marc – doctorant en ethnologie étudiant les phénomènes d’hystérie collective – commence à s’adresser directement au public.

Évoquant d’abord l’acquisition d’une armoire trouvée dans une brocante, il enchaîne sur d’autres récits : sa participation supposée à un speed-dating auquel son frère l’a inscrit ; sa rencontre avec Lisa dans un café – second coup de foudre tout aussi inattendu que celui pour l’armoire ; la relation qui s’instaure entre eux et le caractère insaisissable de la jeune femme ; la découverte dans la fameuse armoire d’un carnet, journal intime d’Aïleen O’Leary une jeune irlandaise ; le voyage de Marc et de son ami Fabien pour retrouver les traces d’Aïleen et de sa sœur ; la plongée dans le passé racontant la persécution dont furent victimes les sœurs au début des années 50 ; les assassinats inquiétants qui se passèrent alors ; la résurgence de ces derniers et le bouleversement de la vie de Marc ; etc., etc.

Avec un talent de narrateur remarquable tant par sa manière de nous tenir en haleine, d’immédiatement nous saisir et embarquer dans son récit, que par sa capacité à nous balader d’un lieu et d’une époque à l’autre, Marien Tillet tient la barre de bout en bout. S’il quitte parfois l’avant-scène pour rejoindre le tabouret de bûches où il interprète alors au violon des musiques aux accents traditionnels irlandais, chacun de ces déplacements est aussi économe que signifiant. Soutenu par une subtile création lumières travaillant la pénombre et le clair-obscur, l’auteur metteur en scène et comédien déploie ici un art du récit évoquant la maîtrise du comédien-conteur Sébastien Barrier. L’on retrouve l’adresse directe, l’entrée de plain-pied dans une histoire, les détails précis et a priori insignifiants révélant progressivement des motifs souterrains, la manière de relier l’ensemble des histoires.

Mais à travers cette affaire d’hystérie collective et le récit de la persécution de deux jeunes femmes dans l’Irlande rurale du mi-temps du XXe siècle, à travers la mise en jeu de la manière dont les croyances et les dynamiques de groupe peuvent aboutir à la mise en place de systèmes d’oppressions, d’exclusions et de violence à l’encontre des plus faibles, Marien Tillet livre également un aussi inquiétant que stimulant objet théâtral.

Soit un spectacle travaillant la peur. Une peur que l’on éprouve concrètement, se rappelant au passage à quel point celle-ci existe au pluriel– de la simple phobie des araignées aux peurs ancrées socialement et fondées collectivement sur le rejet de la différence. Pour nous faire ressentir ces émotions, 2 sœurs explore avec intelligence les mécanismes du récit, travaillant le suspense, l’étrange, le fantastique, les ambiguïtés, le trouble. Le texte comme la mise en scène jouent de la suggestion – nous sommes bien loin ici de l’horrifique et de la débauche d’hémoglobine propre au théâtre du Grand-guignol – et explorent les possibles de l’inattendu. L’histoire, ancrée dans un récit du quotidien renvoyant à notre monde contemporain permet rapidement aux spectateurs d’adhérer, et même mieux, d’intégrer l’univers de croyance des personnages. Outre la frayeur, l’on éprouve alors moult autres émotions : surprise, inquiétude, soulagement, suspense, joie. Dominé par une modestie formelle aussi fructueuse que revendiquée, l’ensemble embrasse une diversité de sentiments, de registres, de rythmes pour nous rappeler à quel point « le contexte donne la valeur à un événement ». Qu’il s’agisse du contexte d’un récit, comme d’une vie.

Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

Deux sœurs

Marien Tillet conteur, auteur, violon

Samuel Poncet scénographie et création lumières

Pierre-Alain Vernette création sonore

Simon Denis régie générale

Production Le Cri de l’Armoire

Coproduction et accueil en résidence La Rampe La Ponatière, Scène conventionnée – Échirolles Communauté de communes Val de Charente / La Canopée – Ruffec

Coréalisation et accueil en résidence Théâtre Dunois – Paris

Accueil en résidence Amin Théâtre – Le TAG Grigny, Maison du Conte – Chevilly-Larue, Les Théâtres de Maisons-Alfort / Théâtre Claude Debussy

Avec le soutien de la Ville de Paris Aide à la résidence artistique et culturelle

Coréalisation théâtre Dunois – Paris

La compagnie Le Cri de l’Armoire est conventionnée par le Ministère de la Culture, DRAC Île-de-France

Le 11 Avignon – Off
du 7 au 29 juillet (13h35) | relâche les 12, 19 et 26

6 juillet 2022/par Caroline Chatelet
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