Ces quatre jeunes comédiennes dans le vent décoiffent sur scène. Désobéir raconte la France métissée et plurielle d’aujourd’hui sur la base d’un travail documentaire récolté auprès de jeunes femmes à Aubervilliers. Un travail d’écriture et de restitution au plateau remarquable.
Désobéir est une pièce d’actualité créée en 2017 au Théâtre de la Commune. Lorsqu’elle est arrivée à la direction du CDN d’Aubervilliers, Marie-José Malis a lancé cette “collection dramatique” qui propose à des auteur.e.s et des metteur.e.s en scène de récolter la parole publique pour la transposer sur un plateau de théâtre. Certaines pièces deviennent des pépites comme cela a été le cas en 2015 pour 81 avenue Victor Hugo d’Olivier Coulon-Jablonka – avec la présence sur scène de comédiens sans-papiers – qui a remporté un énorme succès avec ensuite une très belle tournée et une programmation au Festival d’Avignon en juillet 2016. Désobéir est la pièce d’actualité #9, elle a été créée en novembre 2017, elle poursuit aujourd’hui sa carrière.
La metteuse en scène Julie Berès et le dramaturge Kevin Keiss ont recueilli la parole de jeunes femmes issues de l’immigration rencontrées auprès de diverses associations d’Aubervilliers. De cette matière travaillée avec la romancière Alice Zeniter, ils ont conçu une trame dramatique, à laquelle se sont ajoutées les propres histoires des quatre comédiennes : Lou-Adriana Bouziane, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Séphora Pondi. Le résultat donne une pièce magistrale qui parle sans tabous de sexualité, de religion, des rapports femmes/hommes, des relations familiales. On évoque souvent ici le fait que le théâtre d’aujourd’hui n’est pas toujours très représentatif de la société française, à voir les réactions du public ado présent dans la salle, on peut dire que Désobéir touche son but.
La pièce s’ouvre sur le monologue poignant de Nour, jeune fille voilée, interprétée avec une sensibilité à fleur de peau par Hatice Ozer. Nour raconte comment elle s’est réfugiée dans la religion après avoir rencontré sur Facebook Hassan qui l’entraine sur la pente dangereuse de la radicalisation pour prendre “la défense des frères et des opprimés”. 847 messages plus tard, Nour se rend compte qu’il est déjà marié. Elle ne franchit pas la ligne jaune, mais conserve son hijab. “L’islam est plus grand que mes erreurs et ma colère”. Cette première scène est plus éclairante que n’importe quel témoignage ou reportage sur les effets nocifs de l’extrémisme religieux. A l’issue de ce monologue poignant, Hatice Ozer arrache nerveusement la moquette du plateau pour former un cratère au centre de l’espace. Désobéir c’est crier sa rage. Ce que feront les autres comédiennes tout au long du spectacle.
Charmine Fariborzi est une danseuse de hip-hop spécialisée en popping, qu’elle exécute dans des mouvements au ralenti de toute beauté, en racontant comme elle est parvenue à faire face à la violence de son père. Le personnage incarné par Lou-Adriana Bouziane explique avec beaucoup d’humour comment “Le Coran n’est pas Harry Potter”. Quant à Séphora Pondi, elle met le feu sur le plateau, entrainant le public dans une socca danse endiablée et joyeuse. La comédienne, formée à l’ERAC, passée par le programme « 1er acte » de Stanislas Nordey est rayonnante. Elle glace le public quand elle interprète en anglais le fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy écrit par Henri Gaino: « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès ». Elle fait rire quand elle demande à un spectateur de lui donner la réplique dans le rôle d’Arnophle pour une scène de L’Ecole des femmes, et jouer ainsi le rôle d’Agnès que lui a promis un metteur en scène célèbre, avant de se raviser, par peur des réactions de voir le rôle confié à une actrice noire.
Ces filles ont “des couilles” comme elles le disent avec beaucoup d’humour dans le spectacle. A l’image de F(l)ammes d’Ahmed Madani qui a suscité un énorme enthousiasme depuis 2016, Désobéir est en passe de devenir un spectacle-culte. Le spectacle est en tournée pendant toute l’année 2019, et sera dans le Off à la Manufacture cet été à Avignon.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Désobéir
mise en scène Julie Berès
texte, dramaturgie Alice Zeniter, Kevin Keiss
scénographie Marc Lainé
chorégraphie Jessica Noita
création sonore David Segalen
création lumière Laïs Foulc
création vidéo Christian Archambeau
avec Lou-Adriana Bouziouane, Hayet Darwich, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Séphora Pondi…
avec le soutien du FIJAD, Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, Drac et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Durée: 1h15Les 3 et 4 mai – Théâtre de Bourg-en-Bresse
Du 9 au 12 mai – Tournée à Brest
Le 13 mai – La Ferme du Buisson, Noisiel
Du 17 au 19 mai – Bonlieu, Scène nationale d’Annecy
Du 24 mai au 1e juin – Canada
Du 31 mai au 4 juin – Grande Halle de la Villette, Paris
Du 15 au 28 juin – Le Rond-Point, Paris
Bonjour
J’aimerais savoir si la pièce va être joué un jour à Nantes ou dans l’ouest de la France.
Merci de me redire
Cordialement
Cécile SUTEAU HALBERT
Toutes les dates de la suite de la tournée se trouvent en bas de l’article
Je viens de voir le spectacle ( Angoulême )
Le fond est passionnant et le jeu des jeunes femmes époustouflant
Standing ovation
Existe t il une édition du texte ?
Merci de votre reponse