Trois hommes et un couffin de Coline Serreau à Paris au Théâtre du Gymnase, Infidèles du tg STAN d’après Ingmar Bergman au Théâtre de la Bastille ou encore Le Dernier métro d’après François Truffaut à Lyon au Théâtre des Célestins font partie de la rentrée théâtrale comme Les Damnés de Luchino Visconti en 2016 à la Comédie-Française. Mais pourquoi, en 2018, montre-t-on autant d’adaptations de films sur les planches ?
Si la comédie passe souvent des salles de spectacle au grand écran, dans le sens inverse, il n’y a pas de règle en matière de genre, de période ou de style. Personne ne le contestera : il y a suffisamment d’œuvres dramatiques pour satisfaire la curiosité de tous les metteurs en scènes pendant plusieurs vies. Alors pourquoi ces derniers adaptent, s’emparent, reprennent des scénarios souvent déjà bien connus du grand public pour le mettre sur un plateau ?
Plusieurs raisons reviennent : d’abord, l’actualisation d’un sujet. Dans le cas de Trois hommes et un couffin, tout comme Les Damnés (oui, la comparaison est rude !), les artistes à l’origine du projet voient dans le théâtre une manière de donner une esthétique moderne à une œuvre dont le sujet n’a rien perdu de sa force. Quoi de mieux que le théâtre pour coller à la forme et au goût de l’époque ? Dorian Rossel réduit ainsi sa volonté d’adapter Le Dernier métro à ce qui est, pour lui, le propos du film : « faire vivre l’art malgré la guerre et choisir la poésie pour s’échapper des décombres du monde ». Dans le dossier de présentation du spectacle, la proximité avec le temps présent est clairement énoncée.
Autre envie, autre possibilité que le théâtre offre à la différence du cinéma : une multiplicité de points de vue. Tous les personnages apportent le leur quand, à l’écran, c’est souvent celui du réalisateur qui prime. Ainsi, les personnages donnent un réalisme et ont une proximité avec le public dont le cinéma peut éloigner. Les scènes ont un début et une fin et un temps presque incompressible entre deux rencontres. La très libre adaptation de Nos Serments par la compagnie In-Quarto au milieu des années 2010 en est un bel exemple.
Le potentiel théâtral d’une œuvre est aussi un élément qui peut conduire un metteur en scène à s’attaquer à un film. Ce potentiel, souvent évident comme c’est le cas pour Festen déjà adapté à de nombreuses reprises au théâtre (Daniel Benoin, Cyril Teste), dépend cependant de la sensibilité artistique de chacun. Thomas Ostermeier et Ivo van Hove marquent régulièrement les esprits avec les adaptations de films de Rainer Werner Fassbinder ou Ingmar Bergman depuis plus de 10 ans maintenant.
Enfin, nombreux voient dans l’adaptation de films au théâtre un moyen d’attirer des nouveaux publics. Peut-être est-ce le but des metteurs en scène s’attelant à Sur la route de Madison, film de Clint Eastwood qui a connu, avec Clémentine Célarié ou Mireille Darc, pas moins de deux adaptations sur les planches en dix ans ! Ou bien d’Orange Mécanique adapté en 2006 ? Nul ne sait vraiment si cela fonctionne, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus rare de voir sur scène des choses créées à l’origine au cinéma.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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