Retour sur un fait divers glaçant qui résonne singulièrement dans une société où le réel s’efface de plus en plus derrière les mirages du numérique et du virtuel, le spectacle mis en scène par Nicolas Le Bricquir met en lumière, au long d’une pièce conçue comme une série policière, les circonstances du meurtre de Cynthia en 2019 en Alaska, tuée par sa meilleure amie. Une histoire saisissante.
On ne verra pas dans l’idée de se calquer sur le modèle des séries policières le principal atout de Denali. Mis en scène par Nicolas Le Bricquir, ce spectacle reprend un fait divers survenu en 2019 à Anchorage, en Alaska. Une jeune fille y est retrouvée morte, ses « ami.e.s » Denali et Kayden sont immédiatement suspectés d’un crime dont ils endossent vite la responsabilité. Au fur et à mesure de l’enquête policière, les mobiles se précisent cependant, ou plutôt se dévoilent petit à petit, pour révéler leur vertigineuse folie. Hors de question de divulgâcher ici, mais la vérité finale s’avère proprement stupéfiante et symptomatique d’une société qui se noie dans les mirages de la célébrité et de l’argent.
Rien de moralisateur pour autant dans la manière dont Nicolas Le Bricquir présente cette histoire. Le metteur en scène s’est largement documenté allant jusqu’à se faire passer pour un citoyen américain afin d’avoir accès au dossier de l’enquête. Comptes Facebook et Instagram, vidéos des interrogatoires, le dramaturge et metteur en scène a épluché toutes les données menant ces jeunes gens de la ville d’Anchorage à précipiter le corps de leur copine dans la rivière qui borde un parc naturel. Au cœur de cette histoire, le personnage de Denali Brehmer – jeune femme de 18 ans, mère célibataire, petite employée vivant chez sa mère et fantasmant devant les destins de star –, une fille en apparence ordinaire qui va basculer alors que rien ne l’y prédestinait. Perdue dans ses mensonges, victime autant que coupable, elle, autant que ceux qui l’entourent, se font petit à petit les visages d’une jeunesse sans projets, ni repères, condamnée à rêver via les écrans.
Le plateau est divisé en deux parties : à cour, le commissariat où se déroulent les interrogatoires avec son fameux rectangle de vitre sans tain ; et, à jardin, les lieux où ressurgit le passé, chambres et parc naturel avec ses impressionnants troncs d’arbre. Peu à peu, le passé se recompose dans ses nouvelles versions que révèle l’enquête, le tout avec, en surimpression, en avant-scène, les échanges électroniques entre les principaux protagonistes de l’histoire. Générique, preview et cliffhangers rythment, façon série, les transitions entre les trois épisodes qui organisent le spectacle. Un peu gadget mais rigolo, le théâtre n’est définitivement pas l’audiovisuel. Très bien construit dans l’assemblage progressif des pièces du puzzle de l’enquête, Denali se révèle d’une habileté redoutable dans l’art de faire éclater la vérité tout autant que dans la construction des personnages plus pitoyables que monstrueux, plus perdus que calculateurs, et très justement interprétés. Avec ses six comédien.ne.s, et Louise Guillaume qui joue la musique en direct, dans une atmosphère sombre et mystérieuse, la lumière se fait petit à petit sur les égarements d’une jeunesse paumée. Et c’est proprement saisissant.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Denali
Texte et mise en scène Nicolas Le Bricquir
Avec Lucie Brunet, Lou Guyot, Caroline Fouilhoux, Jeremy Lewin, Lauriane Mitchell, Guillaume Ravoire
Assistante à la mise en scène Charlotte Levy
Musiques Louise GuillaumeProduction Panorama
Soutiens CENTQUATRE-PARIS, Théâtre 13, Jeune Théâtre National, Atelier de Paris CDCNDurée : 1h30
Studio Marigny
du 17 novembre au 31 décembre
du mercredi au samedi à 20h30
le dimanche à 16h
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