Au Théâtre des Champs-Élysées, Vannina Santoni a fait des débuts acclamés dans le rôle-titre de La Traviata, le chef-d’oeuvre de Verdi, mis en scène par Deborah Warner qui fait intimement cohabiter festivités et morbidité.
Sur le plateau, il n’y a pas une mais deux Violetta : l’éclatante courtisane, en longue robe de bal rouge, éprise de fêtes, d’amour, de légèreté, vivement admirée, désirée sous des trombes de fleurs et de confettis, jouissant de l’ivresse et des délices de la mondanité ; et la jeune fille si tôt condamnée par la maladie qui va précipitamment l’emporter (interprétée par Aurélia Thierrée). Tout le long de l’ouvrage, Deborah Warner développe cette approche dichotomique du personnage parfaitement assumée et maîtrisée entre passion et dévastation. Ainsi, dès le si délicat prélude, s’offrent au regard un lit mortuaire et la présence fantomatique d’une Violetta malingre en camisole, rendue à la nudité froide d’un plateau gris comme une stèle. Elle erre, fragile, hallucinée, accompagnée d’un personnel hospitalier plein de sollicitude.
La dimension chirurgicale du propos est transcendée par l’irradiance d’une direction d’acteurs aussi intelligente que sensible, et bien sûr par l’incarnation bouleversante de l’héroïne de la soirée Vannina Santoni. La jeune chanteuse possède de merveilleuses dispositions, une incroyable aisance doublée d’une forte expressivité dans le chant comme dans le jeu. Ces dons combinés ne peuvent donner qu’une magnifique Traviata. Tout en incarnant les failles du personnage, elle offre une interprétation sans faiblesse. Pleine de juvénilité, de solidité, d’engagement émotionnel. Alfredo bénéficie du timbre chaleureux de Saimir Pirgu mais manque néanmoins d’un peu de séduction. Le Germont père, ô combien fin et élégant de Laurent Naouri mêle assez magistralement autorité et tendresse paternelles.
Un retour à la source a hardiment animé le chef Jérémie Rhorer qui fait les choix de donner à entendre La Traviata sur les instruments anciens de son Cercle de l’Harmonie, de rétablir le diapason à 432 Hz, plus grave donc, selon la volonté du compositeur et de débarrasser l’interprétation d’un certain nombre de scories non inscrites dans la partition, à savoir les quelques sur-aigus concluants les grands airs du ténor et de la soprano. Il en résulte un bon équilibre entre fosse et scène et un grand confort pour les chanteurs tous très audibles. Sa direction fait preuve de finesse et de souplesse musicale sans pour autant atténuer la tension dramatique, allant même jusqu’à faire rugir des élans de nervosité et même une inhabituelle urgence qui saisit dans la seconde partie. La course vers l’abîme de la Traviata redouble ainsi d’intensité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La Traviata de Verdi
Jérémie Rhorer direction
Deborah Warner mise en scène
Kim Brandstrup chorégraphie
Justin Nardella, Chloé Obolensky, Jean Kalman scénographie
Chloé Obolensky costumes
Jean Kalman lumièresVannina Santoni Violetta
Saimir Pirgu Alfredo
Laurent Naouri Giorgio Germont
Catherine Trottmann Flora
Clare Presland Annina
Marc Barrard Le Baron Douphol
Francis Dudziak Le Marquis d’Obigny
Marc Scoffoni Le Docteur Grenvil
Matthieu Justine Gastone
Anas Séguin Le commissionnaire
Pierre-Antoine Chaumien Giuseppe
Claire Egan, Stephen Kennedy, Aurélia Thierrée comédiensLe Cercle de l’Harmonie
Chœur de Radio France direction Alessandro Di StefanoDurée : 3h
Théâtre des Champs-Elysées
Du 28/11/18
au 09/12/18
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