L’histoire d’un groupe dont le leader disparaît avec des vrais de morceaux de musique dedans. Dans ta peau de Julie Ménard envoie du souffle et de la liberté, un récit décousu et des musicalités en tous genres, une scéno et des costumes qui déchirent, des acteurs musiciens qui font tout plus ou moins bien, et dont on se dit qu’iels ont dû bien se marrer avec leur grain de folie qui fait toute la différence.
O.k, on s’y perd parfois. On ne comprend pas les paroles des chansons. On ne sait plus qui est qui. Sybille, Phoenix, Basile. Cette histoire de substitution d’identité n’est pas très claire. Pas très crédible non plus. Mais bon, on s’en fiche un peu.
O.k, c’est baroque. Bah rock quoi. Electro et glam aussi. Entre Iggy Pop et Christophe. Pas d’unité musicale, mais un répertoire éclectique et séduisant créé ad hoc par Romain Tirakian. Les chansons durent une minute. Pas le temps de se lasser. Mais assez pour s’imprégner d’univers à chaque fois différents. Basse, keyboard, violon et batteries, les instruments défilent et disparaissent. Reste la voix plastique, planante de Léooldine Hummel, Sybille et Phoenix à la fois. Métamorphoses à la grecque. A chaque fois, on est surpris.
Côté théâtre, pareil. De registres en registres. Costumes glam-drag et visite d’appart en mode naturaliste. On traverse les cloisons entre les genres. Garance Durand excellente en Madame Loyal qui fait l’agent. Narratrice extérieure et personnage tout à la fois. Violoniste aussi. Quelques belles images comme celle de Léopoldine Hummel qui se transforme dans son grand drap blanc.
On en prend plein les yeux – les costumes d’Anna Caraud, on vient d’en parler et la scénographie en boîtes, façon studio d’enregistrements et ingénieuse machine à jouer de Camille Duchemin. On en prend plein les oreilles. On l’a dit. On traverse des thématiques d’aujourd’hui : genre et surtout capacité pour une femme à s’imposer. Surtout dans ce monde musicos ultra masculin. Et quand, comme souvent les femmes, on a appris très tôt à s’effacer. C’est jeune, électrique, électronique, plein d’audace, d’inventivité, de vitalité.
L’histoire ? Ah oui. Inspirée d’un musicien que surtout les musiciens et leurs proches connaissent. Alain Kan. De la génération des Daniel Darc. Étoile filante fondateur de Gazoline, qui disparaît mystérieusement en 1990. Probablement suicidé parce que sidéen, dandy des nuits parisiennes, touche-à-tout androgyne accro qui naviguera entre Christophe, la variétoche, le glam et le punk, adepte des métamorphoses à la Bowie. Qui s’évapore rue de la Pompe.
En fragments, Dans ta peau refait l’histoire. Qui devient celle de Sybille qui joue, chante et compose dans l’ombre de Basile. Qui un jour disparaît. Dont elle perpétue la légende sous le pseudo de Phoenix. Écrite et mise en scène par Julie Ménard, artiste associée au CDN de Dijon (qui avait notamment écrit Inoxydables mis en scène par Maëlle Poesy), Dans ta peau donne ainsi un spectacle réjouissant, qui déborde du plaisir de ses créateurs et acteurs musiciens. Un spectacle de troupe, de plateau, de jeunes, de groupe. Bref, un truc qui régénère et envoie du plaisir par shoots successifs aux goûts variés. Décousu et décoiffant. Plein d’énergie et de mélancolie. Aux coutures apparentes. Parfois brouillon. Qui donne des scènes comme des morceaux. Mi concert, mi théâtre. Mais vraiment dans le genre qui dépote.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Dans ta peau
TEXTE ET MISE EN SCÈNE Julie Ménard
COMPOSITION MUSICALE Romain Tiriakian
AVEC Garance Durand-Caminos (comédienne permanente), Léopoldine Hummel, Baptiste Mayoraz, Romain Tiriakian
COLLABORATION ARTISTIQUE, COSTUMES Anna Carraud
SCÉNOGRAPHIE Léo Levy-Lajeunesse
CRÉATION 2023 Cie La Fugitive
COPRODUCTION Le Préau
COPRODUCTION Le Préau CDN de Normandie-Vire, Théâtre des Pénitents-Montbrison, Théâtre Dijon Bourgogne – CDN de Dijon, Le Manège Scène Nationale de Maubeuge
AVEC LE SOUTIEN du Théâtre Ouvert-Paris, de la Ville d’Alfortville, de la Chartreuse Cnes de Villeneuve lez Avignon, de l’Odia Normandie, de l’Etable à Beaumontel et des Fabriques à Nantes.Durée : 1h30
Théâtre de la Tempête
du 7 au 15 décembre 2024
mardi > samedi 20h30 // dimanche 16h30
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