Le chorégraphe Martin Harriague s’empare de la figure du Président américain pour mieux le ridiculiser dans l’entraînant America. Si ce personnage si outrancier donne déjà matière pour la caricature, la pantomime virtuose des interprètes du Ballet de l’Opéra Grand Avignon tape dans le mille.
Qui aurait cru que le 47e président des États-Unis tiendrait un jour le premier rôle dans un Ballet ? Martin Harriague, directeur depuis 2024 du Ballet de l’Opéra Grand Avignon, a relevé ce défi. Le chorégraphe originaire de Bayonne, connu pour son style vif et physique, s’empare de la figure de Donald Trump pour mieux la moquer. Dans America, douze interprètes font exploser un ballet expressif à la technique impeccable, où Trump est le bouffon. Ce ballet contemporain à la pantomime virtuose mêle académisme, entrain des comédies musicales et montages vidéo dignes de l’Internet des années 2010, pour désacraliser ce personnage aussi amusant que terrifiant.
Devant un drapeau aux bandes horizontales rouges et blanches, les interprètes forment un cercle. La danseuse Elisa Cloza se place au centre, déploie une danse fluide et théâtrale sur le titre Mississippi Goddam de Nina Simone. Le drapeau tombe alors pour dévoiler un montage vidéo retraçant en accéléré l’histoire des États-Unis, les premières colonies, l’indépendance, la spoliation et le massacre des Natifs, la Grande Dépression, jusqu’à l’arrivée au pouvoir, en 2017, de Donald Trump. En plusieurs parties, Martin Harriague dévoile différents moments du mandat du Président, de son ascension à la Maison-Blanche à sa réélection en 2024, en passant par la construction du mur à la frontière avec le Mexique et l’attaque du Capitole par ses partisans. Sur les discours de Trump fragmentés et remixés – qui rappellent la culture du remix sur Internet dans les années 2010 –, les interprètes déploient une danse pantomime technique, rapide, souple et puissante.
Affublés de masques du Président dans l’un des tableaux, ils vont même jusqu’à imiter sa gestuelle avec une précision comique, de sa posture courbée à ses positions de main emblématiques. Mais le ton est loin d’être léger, comme en témoignent leur poing levé et leur posture qui rappelle un tir à l’arme à feu. Car cet exutoire cache les multiples dangers que représente la politique anti-immigration, anti-droits sociaux, transphobe, misogyne, raciste et homophobe de Trump pour les Américains, et ses possibles nuisances à l’international. Proche de la comédie musicale par sa danse explosive et théâtrale, cette pièce moque aussi l’impérialisme déclinant des États-Unis, en mobilisant ses codes culturels. Même si leur représentation témoigne d’un regard plutôt eurocentrée, elle n’en reste pas moins amusante, à l’image de ce générique de fin façon téléfilm Les Feux de l’amour et de cette pluie de faux dollars qui tombe sur le public. God bless America ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
America
Chorégraphie et mise en scène Martin Harriague (Ballet de l’Opéra Grand Avignon)
Avec Daniele Badagliacca, Sylvain Bouvier, Lucie-Mei Chuzel, Elisa Cloza, Mariana Faria, Aurélie Garros, Joffray Gonzalez, Léo Khébizi, Hanae Kunimoto, Tabatha Longdoz, Kyril Matantsau, Marion Moreul, Ari Soto
Musique The Shoes, Krzysztof Penderecki, Nina Simone, Barry White, The Knife
Réalisation décor & costumes Opéra Grand AvignonProduction Opéra Grand Avignon
Durée : 1h
La Scala Provence, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 13 juillet à 21h30 (relâche le 7)
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